Échec de la décentralisation française : notre tempérament national
OPINION. Ce texte de Bertrand Faure fait suite à celui publié il y a deux semaines sur cette question fondamentale de la décentralisation et de son échec. Échec dont la cause est à chercher, selon l’auteur, dans cette volonté de décentraliser, paradoxalement, dans le plus pur style jacobin.
Le problème est que nos collectivités territoriales, pourtant constamment réformées, continuent d'offrir bien des commodités pour le pouvoir central de l'Etat lui-même. Les résultats obtenus au titre de la décentralisation n'ont pas permis de freiner le développement de tous les vices auxquels cette décentralisation est spécialement sujette et les a poussés du côté même où, suivant une inclinaison naturelle, elle penchait déjà. Ces vices réapparaissent sans cesse avec une physionomie un peu différente mais toujours reconnaissable : on voit toujours l'Etat aider, empêcher, permettre. L'extrême morcellement des compétences distribuées aux collectivités par des textes surchargés en conditions d'exercice fût à l'opposé des préconisation de départ (Rapport O.Guichard, 1976). Toutes interviennent dans les mêmes domaines (environnement, éducation, transports, social...) et on ne sait plus qui fait quoi. On assiste, au surplus, à un quadrillage complet de leurs conditions d'exercice, la collectivité compétente devant élaborer un schéma, prendre l'avis des autres collectivités, créer des commissions, satisfaire aux objectifs légaux... "On décentralise en centralisant", ironisait le doyen Vedel. La tendance technocratique et jacobine l'emporte. Au moment même où le président Hollande proclamait la nécessité d'un "choc de simplification", sa majorité parlementaire votait la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique locale créant, sous des appellations diverses, une vingtaine de commissions et une quarantaine de documents de planification, d'avis ou de conventions nouveaux ! On expertisait au même moment qu'à peu près 400 000 normes s'imposaient aux collectivités territoriales pour un coût d'application de deux milliards d'euros (Conseil national d'évaluation des normes, 2013).
Dans ces conditions, il n'existe pas d'initiative locale d'envergure qui ne puisse se dispenser de la collaboration de tous les acteurs publics. Mais alors le retour à l'unité de commandement se fait inévitablement par l'accord général et le contrat avec l'Etat. Drôle de guerre où l'administration d'Etat vient toujours replacer...