Edward Bernays et la fabrique de l’opinion en démocratie (Partie 2)
OPINION. Le publicitaire austro-américain Edward Bernays est considéré comme le père de la propagande politique moderne. Derrière ses nombreux faits d’armes, Bernays a développé une conception politique de la manipulation de masse, selon lui destiné à organiser le chaos de la vie moderne.
Pour Edward Bernays, les masses ne font pas leur choix consciemment. Évidemment, le théoricien des relations publiques se servira de son travail pour théoriser une véritable forme d’exercice du pouvoir politique. En régime démocratique, chaque citoyen est consommateur d’une offre politique qu’il s’agit dès lors de savoir vendre. Le citoyen n’est donc pas tant celui qui exerce le pouvoir que celui grâce à qui on va l’exercer : pour Bernays, « la masse est incapable de juger correctement des affaires publiques, rappelle Normand Baillargeon dans sa préface à Propaganda. […] Les individus qui la composent sont inaptes à exercer le rôle de citoyen en puissance qu’une démocratie exige de chacun d’eux : bref, le public, au fond, constitue pour la gouvernance de la société un obstacle à contourner et une menace à écarter ».
Quelle est l’origine de cette nécessaire gouvernance sur la masse ? Edward Bernays la trouve dans l’éducation telle qu’elle est pratiquée en démocratie. En effet, pour qu’une démocratie soit efficace, il faut des citoyens éduqués et capables d’user de leur raison pour prendre les bonnes décisions. Cette éducation des citoyens, d’après Bernays, est alors apparue comme un risque pour une bourgeoisie qui s’est emparée du pouvoir et qui ne souhaite pas le rendre : « la bourgeoisie se mit à craindre le petit peuple, les masses qui, de fait, se promettaient de régner ». L’entreprise de propagande fonctionne donc en réalité à sens unique dans un schéma qui oppose l’actif au passif, le dirigeant au citoyen. C’est ce qu’aura bien compris Joseph Goebbels, qui s’est fortement inspiré des ouvrages d’Edward Bernays.
Servitude volontaire et existence moderne
Le XXIe siècle est sans doute celui d’un aboutissement des principes politiques énoncés par Edward Bernays. L’idée de gouvernement invisible est de plus en plus prégnante et partagée, et cela bien au-delà d’une sphère que d’aucuns...