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La vie palindrome

CONTRIBUTION / OPINION. Plus rien ne sublime le quotidien, se désole notre lecteur. La vie est la même du début à la fin, ou de la fin au début. C’est comme vous voulez. Un véritable palindrome existentiel.

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La banane se mange par les deux bouts, le goût ne change pas. Le mot kayak se lit aussi par les deux bouts, le sens ne change pas. Mais une histoire ne se raconte pas par les deux bouts. Commencez par la fin pour aller jusqu’au début, et vous verrez que l’effet n’est pas le même. Une histoire n’est pas réversible. La vie non plus. On vit, on fane. Pas l’inverse. Le sens de la vie, c’est tout droit, dans la tombe ou la cruche. Mais entre-temps, au moins avons-nous l’illusion d’échapper à notre finitude. L’espoir de sublimer notre quotidien, de connaître l’ivresse, d’être saisi. Juste de quoi vivre une fin qui soit à la hauteur d’un si bon début, comme dirait un Guy Debord.

Sauf que tout ça, c’est du vent. Depuis quelque temps maintenant, la vie s’est vidée de sa substance. Et nous nous laissons porter par le cours du temps. Nous nous agitons parfois, tentant de surprendre le cours des événements. Nous mimons la surprise, mais personne n’est dupe. Il ne se passe rien. Désormais, nous vivons un pays que l’on appelle litanie. Les paysages qui défilent devant nous sur le fleuve du temps sont toujours les mêmes. Pourtant, « on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve », disait Héraclite. Il avait peut-être raison en son temps, il semble qu’il ait tort aujourd’hui.

Et quand la fin de l’histoire est à ce point fidèle à son début, alors comment les discerner ? Retournez-les, vous n’y verrez goutte. On dit que la fin et le début sont ainsi frappés d’ambiguïté. Qui est qui ? Notre vie est devenue réversible. Vous pouvez la commencer par le début ou la fin, c’est idem. C’est idem et c’est aussi ipse. D’un coup d’un seul, nous avons résolu les angoisses du...

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