Introduction à la subhumanité
CONTRIBUTION/OPINION. Si l’humanisme classique a délié l’homme de Dieu, sa version moderne tend à le délier de la nature.
Nous entrons dans le temps de la grande défaillance, le temps où l’État fait défaut partout, où la république démantelée n’est plus un bien commun, mais le privilège de ceux qui y ont encore accès. Dans cet État où l’on se sert au lieu de servir, le premier arrivé est le premier servi.
Après le sacrifice de l’énergie, ultime déraison de notre perte de souveraineté, c’est l’autonomie alimentaire, industrielle et artisanale, qu’on a offerte à la malveillance des braconniers européistes. Mais de toutes les ressources taries dont nous ne disposons plus, c’est le temps qui a été le plus gâché. Le temps du gaspillage s’est achevé en laissant nos poches trouées par les extorsions, les renoncements, les trahisons. Les services de l’État se sont engorgés par l’accumulation de temporalités non soldées, de tâches administratives, d’affaires classées sans suite, de procédures avortées, de recours dilatoires, de listes d’attentes : la désertification de l’État se manifeste par l’inaccessibilité et la mise en abîme de ses services. Quelles sont les raisons profondes de ce délitement de l'État ?
Traditionnellement, les esprits réactionnaires comme libéraux accablent l’élection de 1981 qui serait le pivot initial d’une décadence française ; mais un regard moins manichéen verra dans les prémisses de la construction européenne à la fin de la IVe République le déclencheur des transferts de souveraineté, le débordement de la CECA (Communauté économique du charbon et de l’acier). Cependant le phénomène de dénationalisation de la France, s’il est engendré par ces causes de nature politiques ou historiques, est aussi bien justifié par l’idéologie universaliste de l’humanisme. Après les guerres totales du XXe siècle, c’est l’humanisme total qui aura eu raison des États-nations, comme il se peut qu’il ait raison de l’humanité elle-même.
Nous avons vu que sans la nation, la République n’était pas possible ; que, sans substrat...