Pour quiconque s’est un jour véritablement intéressé à Henry David Thoreau, et a dépassé la seule lecture de Walden ou la Vie dans les bois, il est évident que Thoreau a développé une pensée protéiforme susceptible de nous apporter une vision nouvelle quant aux problématiques auxquelles nous sommes aujourd’hui confrontés.

L’expérience de pensée consistant à imaginer un de nos illustres ancêtres revenant à la vie et visitant nos sociétés contemporaines permet de prendre une certaine distance à l’endroit de la cacophonie ambiante et de resserrer la focale sur l’essentiel en partant des réflexions proposées par un grand homme du passé. À ce titre, si nous tentons l’expérience avec Thoreau, il apparaît assez vite que le constat ne peut être que négatif. En effet, on connaît les critiques de Thoreau à l’endroit de la société américaine du XIXe siècle. Il la concevait comme étant en pleine déshérence. Assistant aux prémices de l’industrialisme et de l’avènement de l’ère des grandes masses, Thoreau a fait montre d’une certaine prescience dans les analyses qu’il a produites. Spectateur attentif, bien que distant d’une société en mutation, Thoreau a aperçu les enjeux auxquels ceux qui le suivraient allaient être confrontés.

Pour caractériser rigoureusement la pensée thoreauvienne, il me paraît nécessaire de comprendre qu’elle s’inscrit dans une logique contrapuntique et individuelle. Pour être plus clair, Thoreau superpose à la mélodie (dysharmonique) du monde qui l’entoure, sa propre mélodie (harmonique). Or cette mélodie est nécessairement individuelle. C’est individuellement que Thoreau entend répondre aux problèmes qu’il rencontre.

Pour ce faire, Thoreau s’immerge dans la Nature. Il cherche à comprendre ce qu’il est et d’où il vient. Il a conscience de l’importance de comprendre le rythme particulier qui se cache en lui. C’est précisément cette quête du rythme particulier qui le conduit à porter un regard critique sur ses...