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Tyrannie et indifférence de masse... Tous responsables ?

CONTRIBUTION / OPINION. Face à la guerre, à la misère et à la dissolution du lien social, l’indifférence est devenue une norme, fruit d’un néolibéralisme qui désagrège les communautés et isole les individus. Si accuser un peuple entier d’être responsable de son malheur est une pente dangereuse, nier toute responsabilité individuelle face au chaos ambiant est une illusion.

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Le propos est glaçant. Pour justifier le siège de Gaza, le président d’Israël, Isaac Herzog, accable les Palestiniens collectivement : « C’est toute une nation qui est responsable. Les civils (de Gaza) auraient dû se soulever (…) contre [le Hamas], ce régime diabolique qui a pris le contrôle (…) après un coup d’État. » (A. Gresh, Palestine, un peuple qui ne veut pas mourir, 2024). Responsables les Palestiniens, adultes, vieillards, enfants et innocents ; responsables les Français d’Algérie, de n’avoir combattu la France coloniale ; responsables les Juifs qui, par leur soumission, furent complices de la Shoah ; responsable le peuple allemand, qui savait l’existence des camps (Geneviève de Gaulle, L’Allemagne jugée par Ravensbrück, conférence du 28/02/1947).

Cette condamnation est dangereuse, voire fascisante. Mais écarter la responsabilité collective ne signifie pas pour autant que l’on soit innocent. Car il y a une responsabilité, et elle se situe d’abord dans l’indifférence : indifférence à la guerre, à Gaza, en Ukraine, et ailleurs ; indifférence à la souffrance, à la misère et à la violence, aux vols, aux viols, à la drogue, qui gangrènent les rues, les villes, et les villages de France. Mais si l’indifférence s’explique — sans se justifier — quand la victime est tierce (ce sont les Juifs que l’on exterminait et non les Allemands eux-mêmes), comment expliquer l’indifférence de masse, qui mène l’Occident à la catastrophe ?

En imposant la religion du Marché, le néolibéralisme a transformé les rapports sociaux. Sommé de se construire seul — en fût-il incapable — et d’être autonome, l’homme se retrouve livré à lui-même. En dehors de sa tribu, il n’a plus de prochain, de collègue, de voisin ou de concitoyen ; les figures du collectif, le civisme, la solidarité, le bien commun, sont disqualifiés ; l’espace public est désaffecté, la nation dévitalisée, l’État lui-même est...

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