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Uber Eat, Deliveroo, Just Eat… Ces ennemis intimes de la restauration française

OPINION. Déjà bien installées auparavant, les sociétés de livraison de plats à domicile ont vu leur activité exploser grâce à la crise sanitaire. Mais derrière cette croissance fulgurante se cache une véritable entreprise de prédation qui menace la restauration traditionnelle française.

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Chef totémique de la « nouvelle cuisine », le regretté Alain Chapel publie, en 1980, son unique ouvrage, La cuisine, c’est beaucoup plus que des recettes : un titre qui vaut manifeste. À le paraphraser aujourd’hui, on aurait envie d’avouer qu’un restaurant, c’est beaucoup plus qu’une simple affaire de table. Au mauvais souffle d’un ineffable virus, on se souviendra d’ailleurs qu’avant même une France soudainement astreinte à l’enfermement, les restaurants furent les pionniers du confinement.

14 mars 2020, à la veille d’une élection, trois jours avant l’ensemble de la population, ils sont les premiers à devoir baisser le rideau. Depuis lors, exception faite d’une parenthèse estivale sous cordon sanitaire, ils restent désespérément bouclés, ballotés au gré des promesses de réouverture jusqu’ici non tenues, perfusés de ces prêts consentis par l’État, mais qu’il faudra bientôt rembourser, cabossés à trouver des parades de survie, perdus à virer parfois clandestins.

Certains sont déjà morts, d’autres se meurent ou vont mourir. Au pire des guerres, des crises, des révolutions, jamais les restaurants n’avaient connu pareille situation. Laquelle se double de l’humiliation de se voir réduire à la formule technocratique de « bien non -essentiel ». Voilà qui résonne comme un méchant paradoxe, dans une France qui inventa pourtant le genre et qui lui doit un peu de son rayonnement. Bras armé de l’agriculture, du tourisme, de l’enseignement professionnel, de l’économie locale, de l’emploi et de bien d’autres secteurs, les restaurants participent à l’identité et au roman nationaux. Et ce Covid-19 aura au moins eu le mérite de nous le rappeler.

À observer les routes sans auberges, Paris sans ses bistrots, Lyon privé de ses derniers bouchons, les villes comme les campagnes vidées de leur comptoir, le restaurant s’est affirmé, ces derniers mois, dans son pli le plus braudélien. Lieu de vivre où l’on s’aime, se quitte, se perd...

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