Les provinces de France méritent de retrouver leur place dans la nation
DÉBATS. Longtemps, la République jacobine voulut débarrasser la France de ses identités régionales. Et, pourtant, notre nation n’est-elle pas riche de ses provinces ? Thibault Isabel plaide pour un patriotisme qui redonne toute leur place aux régions. Ce texte s’inscrit dans la lignée du deuxième numéro de notre revue consacré à l’État profond.
:max_bytes(300000)/frontpop/2020/09/Pont_Vieux_et_Cathe%CC%81drale_Saint-Nazaire_de_Be%CC%81ziers_cf02.jpg)
Dans l’Hexagone, la guerre entre l’État et les régions remonte à loin. Sans même aller jusqu’à évoquer la répression de la Fronde et l’instauration de la monarchie d’Ancien Régime par Louis XIV, c’est surtout le jacobinisme post-révolutionnaire qui a renforcé ces tensions. La stigmatisation des provinces, jugées ringardes et dépassées, a provoqué chez nombre de militants régionalistes un rejet viscéral de la capitale parisienne et de ses institutions. Les identités régionales se définissent alors contre l’identité nationale, d’une manière presque irréconciliable.
Notre pays compte d’innombrables partis et mouvements d’émancipation, que ce soit en métropole (comme au Pays Basque), en méditerranée (comme en Corse) ou dans l’outre-mer (comme en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie). Depuis la fin du XIXesiècle, la Bretagne a joué un rôle moteur dans ces révoltes, de Lemercier d’Erm à Olier Mordrel et Fransez Debauvais, sans oublier le PNB, Breiz Atao, Stur, etc. Les partis régionalistes et indépendantistes alsaciens furent particulièrement actifs dans les années 1920-1930 (Ricklin, Wagner, Bilger, etc.), et l’on pourrait évoquer aussi le puissant mouvement occitan, le Félibrige provençal ou les Flamands de France. Aux yeux du grand public, tous les régionalistes ont à peu près les mêmes revendications, en dehors de leur positionnement à gauche ou à droite. Mais il existe en réalité deux sortes de mouvements : les autonomistes et les indépendantistes. Or, chacun de ces courants s’appuie sur un modèle politique très différent.
L’autonomie contre l’indépendance
L’indépendantiste souhaite obtenir la souveraineté complète de sa région, pour en faire une nation à part entière. Peu importe d’ailleurs l’étendue du territoire concerné : il s’agit souvent d’une province, mais de simples communes pouvaient autrefois se transformer en principautés, comme Monaco, en 1524, qui s’était séparé du Saint-Empire romain germanique après s’être placé sous protectorat espagnol. Même des pays de grande taille sont animés de velléités séparatistes : les...