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Coloniser par le droit : le piège de l'extraterritorialité

« Le plus fort n’est jamais assez fort pour être toujours le maître s’il ne transforme sa force en droit et l’obéissance en devoir », rappelait Rousseau. Le droit peut en effet être un outil de domination redoutable. Surtout lorsqu’il sert de masque à la vieille loi du plus fort…

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« Il ne s’agit plus désormais que l’Amérique dirige le monde, mais que le monde devienne l’Amérique », selon Thomas Barnett, professeur au Naval War College. Cité par Régis Debray, in Civilisation. Comment nous sommes devenus américains, éd. Gallimard, 2017


Certains de nos fleurons industriels européens se sont heurtés, bien souvent malgré eux, au chantage juridique américain depuis la fin des années 1990 (sous les administrations Clinton-Obama). Ainsi, nos entreprises ont dû s’incliner et s’acquitter d’amendes parfois confiscatoires, là où l’administration américaine s’est affirmée compétente pour sanctionner des comportements économiques prétendument fautifs, sans lien de rattachement apparent avec le territoire de l’oncle Sam. Les juristes européens ont ainsi découvert une forme de colonisation par le droit par leur allié américain. Selon Michel Cosnard : « Les États-Unis se sont attribué unilatéralement la possibilité de sanctionner les violations du droit international sans habilitation de la part de la communauté internationale. La mondialisation a ainsi franchi un pas de plus, puisque les États-Unis se sont arrogé une compétence générale d’application du droit international (1). » C’est ce que l’on nomme « l’extraterritorialité ».


Qu’est-ce que l’extraterritorialité ?


Selon le dictionnaire juridique Dalloz, l’extraterritorialité s’entend comme l’application « de normes juridiques dont le champ d’application excède la compétence territoriale de l’État ». Dans les faits, cela se traduit par une forme de suprématie juridique d'une puissance autoproclamée émettrice du droit qui étend une forme de suzeraineté juridique sur des acteurs d’un territoire « vassalisé », s’affranchissant des institutions et juridictions locales. Cette puissance dominatrice prétend à une compétence universelle, au-delà de ses propres frontières. Ce faisant, l’extraterritorialité contourne délibérément des institutions légitimes pour imposer sa règle. Cette extension juridique s’accomplit en parfaite violation des principes de souveraineté juridique et politique qui devraient prévaloir, contournant les règles de séparation des pouvoirs, d’une part, et niant les institutions qui gouvernent le pays visé ou ses citoyens,...

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