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Extension de l'Union européenne : extension du domaine de la lutte ?

Contributeur régulier de Front Populaire, l’économiste Jacques Sapir, qui partage avec Michel Onfray et Michel Houellebecq une commune aspiration au Frexit, montre comment la construction européenne a fini par déconstruire la démocratie française.

/2022/11/11_Sapir


La nature des débats suscités par l’Union européenne s’apparente depuis une quinzaine d’années à une forme de guerre de religion, qui semble séparer les Français en deux camps irréductibles figés dans leur mutuelle détestation. Résultat, il suffit à présent d’émettre publiquement le moindre mal au sujet de l’Union européenne (UE), de formuler la moindre critique même justifiée, même soigneusement argumentée, que l’on est immédiatement traîné devant on ne sait quel tribunal médiatique, excommunié, symboliquement brûlé.

Pourtant, le processus de constitution des institutions européennes a toujours fait l’objet de controverses en France. Le débat sur la Communauté européenne de défense (CED) fut ainsi l’une des querelles marquantes de la IVe République, qui aboutit à l’abandon du projet. De même, la signature du traité de Rome, instituant la Communauté économique européenne (CEE) en 1957, fut loin de faire l’unanimité. Outre le PCF, on se souvient de l’éloquent discours de Pierre Mendès France s’y opposant1. Plus tard, le général de Gaulle, dans un entretien télévisé avec Michel Droit en date du 14 décembre 1965, ne fut pas non plus tellement tendre envers les fédéralistes européens, qu’il accusa de sauter « sur les chaises comme un cabri en criant ‘’Europe, Europe !” ». En 1992, il n’y eut pas davantage de consensus lors de l’adoption du traité de Maastricht, par lequel la CEE devint l’UE. On se souvient de la fameuse passe d’armes entre Philippe Séguin et François Mitterrand, affaibli par la maladie. Seulement, avec le temps, ce qui n’était qu’opposition devint ressentiment. Et ce qui n’était que soutien raisonnable, et souvent raisonné, se mua progressivement en un discours relevant du fanatisme dogmatique. Aujourd’hui, entre les thuriféraires béats de Bruxelles et les partisans du Frexit (autrement dit de la sortie de la France de l’UE), c’est un échange d’insultes, mais aussi une double incompréhension totale. L’autre n’est...