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L’Histoire leur a donné raison. Interview croisée de Jean-Pierre Chevènement et Philippe de Villiers

Jean Pierre Chevènement et Philippe de Villiers ont été les premiers à tirer la sonnette d’alarme : l’Union européenne et la mondialisation libérale qui l’accompagnait allaient être une tragédie en plusieurs actes pour les Français. Dénigrés à l’époque, quand ils ont pensé à réunir les souverainistes des deux bords, ils ne disposaient que de leurs seuls arguments et l’avenir ne leur avait pas encore donné raison. Vingt ans plus tard, Front populaire souhaite rendre justice et questionner à nouveau ces lanceurs d’alerte.

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F.P. : Quelles leçons politiques tirez-vous de l’épidémie de coronavirus qui a embrasé le monde et l’économie mondialisée ?

Jean-Pierre Chevènement : L’épidémie de coronavirus nous rappelle que l’histoire est tragique. Ce n’est pas « un ultimatum de la nature », comme l’a dit Nicolas Hulot. Ce n’est pas la conséquence du réchauffement climatique. Cette pandémie est un aspect – pas des plus plaisants – d’une mondialisation laissée à elle-même. Imprévisible par sa soudaineté, sa brutalité, le caractère quasi universel de son expansion. Elle révèle notre incapacité à y faire face en l’absence de vaccin. J’ajoute qu’elle met en lumière les dépendances que la France, parmi d’autres, a laissé se créer en transférant à l’autre bout du monde la moitié de son industrie, notamment pharmaceutique et médicale. Une deuxième crise va s’imposer : c’est la semi-paralysie de notre économie. J’entends encore s’élever les thuriféraires de l’approvisionnement à bas coût. C’était la voie de la facilité. Plus que tout, c’est un état d’esprit qu’il faut changer. Les exigences de la sécurité imposent un discours plus rude, c’est le retour du long terme, de la nation, de l’État républicain. L’insouciance a fait son temps, il faut produire national pour réduire notre dépendance.

Philippe de Villiers : Lénine disait que les guerres sont des accélérateurs de l’histoire. Eh bien, les pandémies aussi. Le coronavirus, c’est la fin du nouveau monde et le retour de ce que les élites appellent avec mépris l’ancien monde. Ce que je dis là est très concret. C’est le retour au carré magique :

1er coin du carré : la frontière, 2e coin du carré : la souveraineté, 3e coin du carré : le local, 4e coin du carré : la famille.

Le retour en force de l’idée de frontière est impressionnant : qu’est-ce donc qu’un geste barrière ? Une frontière. Qu’est-ce qu’un confinement ou un cluster ? Une frontière. La souveraineté est l’autre...