La démocratie réelle, c’est la république sociale !
Puisque l’homme libre est celui qui peut vivre de son travail sans être à la merci d’un maître, Denis Collin plaide pour une démocratie qui ne soit pas de pure forme, mais une authentique république sociale.
Dans toute la tradition du mouvement ouvrier, il y a une ambiguïté fondamentale. Le mouvement ouvrier exige que le pouvoir appartienne à la majorité laborieuse contre la minorité des exploiteurs et se pose comme l’héritier naturel du mouvement démocratique. Il porte l’exigence d’une démocratie réelle – c’est la majorité qui, enfin, a le pouvoir – et d’une démocratie qui fasse toute sa place au dêmos, c'est-à-dire au « peuple » des classes laborieuses. Mais le communisme, que ce soit sous ses variantes anarchistes ou marxistes, prétend dépasser la démocratie qui reste un pouvoir d’État : l’objectif serait de supprimer l’État ou d’organiser son « dépérissement ». Cette ambiguïté a coûté cher ! Il nous faudrait trouver aujourd’hui une forme politique, donc étatique et constitutionnelle, qui prenne au sérieux l’aspiration à l’émancipation humaine, ambition fondamentale du communisme de Karl Marx (1818-1883), tout en tirant le bilan de la faillite du communisme historique, de ce « socialisme réel » qui a jeté l’opprobre sur tout projet révolutionnaire. Comme le mot de « démocratie » est très vague et sert de drapeau aux entreprises politiques les plus diverses, je soutiendrai ici que la seule démocratie réelle, celle qui ne se contente pas de lutter contre l’oppression politique, mais contre toutes les formes de domination, est la république sociale.
La formule de « république sociale », inventée par les ouvriers parisiens dans le mouvement qui mena aux tragiques journées de juin 1848, permet cette synthèse. Une synthèse reprise vingt-trois ans après par Marx, quand il écrit, au sujet de la Commune de Paris qui venait de se dérouler : « Le cri de “république sociale” auquel la révolution de février avait été proclamée par le prolétariat de Paris, n’exprimait guère qu’une vague aspiration à une République qui ne devait pas seulement abolir la forme monarchique de la domination de classe, mais la domination de classe elle-même. La Commune...