Ces écolos qui n'aiment pas le beau
Pour Bérénice Levet, s’il y a une urgence écologique, c’est celle qui consiste à protéger la beauté du monde et celle de la langue. Autant dire qu’elle ne tient pas les Verts pour d'authentiques défenseurs de l’environnement.
On croit couramment qu’un petit paysan d’aujourd’hui, élève de l’école primaire, en sait plus que Pythagore parce qu’il répète docilement que la Terre tourne autour du soleil. Mais en fait, il ne regarde plus les étoiles. Et le soleil dont on lui parle en classe n’a plus aucun rapport avec celui qu’il voit dans le ciel. »
Ce tableau de l’homme moderne, peint par Simone Weil dans L’Enracinement n’est pas sans faire écho aux vers d’Arthur Rimbaud : « Misère ! Maintenant il dit : Je sais les choses, / Et va les yeux fermés et les oreilles closes. »
On aurait pu penser que ces maux de la modernité diagnostiqués par le poète et la philosophe, le déracinement et l’abstraction qui lui est afférente, l’avènement de l’écologie viendrait les panser, en offrirait un remède, une issue. Que l’importance prise par les questions liées au devenir de la Terre serait l’occasion d’être rapatriés sur Terre, et d’abord sur et dans nos terres. De retrouver un lieu. De rouvrir les yeux et les oreilles.
OIKOS : LE FOYER
Le mot « écologie » semble bien d’ailleurs dire et prescrire la chose : son préfixe, oikos en grec, désigne une réalité bien concrète, c’est la maison, le foyer, nullement la planète, non plus la Terre. Et, si l’éco-nomie, qui partage avec l’éco-logie son préfixe, est affaire d’administration, de gestion de la maison dans le but d’en obtenir le meilleur fruit, l’écologie, elle, est d’abord pensée et discours sur l’habitat humain, sur la manière dont les hommes aménagent le séjour terrestre, l’arrangent au sens presque musical du terme, ainsi que le suggérait Antoine de Saint-Exupéry lorsqu’il définissait la civilisation comme « un certain arrangement des choses ».
Bref, le retour en force et en grâce des circuits courts, des « petits commerçants », des « petits artisans », du « local », de ces mots, et de ces choses, hier encore...