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2015, l'année où tout s'est emballé

Il y a six ans, l’Europe était ébranlée par une crise migratoire majeure, notamment provoquée par les conflits en Libye et en Syrie. Croyant que les bons sentiments suffisent à faire une politique, négligeant les inquiétudes des populations autochtones directement touchées, nos dirigeants ont pour la plupart échoué à comprendre la dimension du problème. Or, leur incurie pourrait menacer à terme ce qu’ils prétendent défendre : notre tradition d’accueil et d’asile.

/2021/02/10-2015

Depuis le début du XXIe siècle, l’une des principales voies permettant de rejoindre illégalement l’Union européenne depuis l’Asie passe par la Turquie, la Grèce, la Bulgarie et enfin les Balkans occidentaux. Longtemps, on a dénombré à peine quelques milliers de clandestins sur cette route chaque année. Seulement en 2015, le compteur a explosé : en douze mois, plus de 900 000 hommes, femmes et enfants ont emprunté cet itinéraire. Selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), la moitié d’entre eux étaient des réfugiés syriens, 20 % des Afghans, 7 % des Irakiens et les 23 % restants un mélange de migrants et de réfugiés opportunistes, principalement en provenance du Maroc, du Pakistan, du Bangladesh, de la Somalie et même de certains pays des Balkans comme le Kosovo et l’Albanie.
L’Europe a été confrontée de manière assez soudaine à cette crise migratoire. Devant l’ampleur du flux, inégalée depuis la Seconde Guerre mondiale, la réaction de l'Europe fut dispersée, parfois contradictoire. La Grèce se déclara débordée, tandis que la chancelière allemande Angela Merkel encouragea les migrants à continuer leur traversée en proclamant : « Wir schaffen das » (« Nous y arriverons »). Le résultat ? Presque un million de personnes sont arrivées en Europe en quelques mois, de manière totalement désorganisée, traversant la mer Égée sur des rafiots de fortune avant de parcourir des milliers de kilomètres à pied, en train et en bus à travers le continent. Détournés de la Hongrie (qui a rapidement érigé un mur et augmenté ses effectifs de police aux frontières), les migrants ont été redirigés vers la Croatie et la Slovénie voisines dès la mi-octobre 2015. Leurs destinations privilégiées ? L’Allemagne, mais aussi l’Autriche, la Suède, le Danemark et, dans une moindre mesure, la France.
Dans les mois qui ont suivi, les pays de transit ont d’abord cherché à se décharger...