Anatomie d’un ovni politique : le gaullo-communisme
Il est des synthèses politiques que seules peuvent produire des décennies chaotiques. « Entre nous et les communistes, il n’y a rien », disait Malraux. Bien sûr, dans les faits, cette affirmation mérite d’être nuancée, et c’est ce à quoi s’attarde ici notre collaborateur Régis de Castelnau. Il n’en demeure pas moins qu’il y a peut-être dans cette alliance de circonstance historique un horizon d’attente pour les anticonformistes de tous bords.
Entre les communistes et nous, il n’y a rien », disait André Malraux au moment des succès du RPF, le mouvement politique créé par Charles de Gaulle à la fin des années 40. Incontestablement, le PCF – politiquement hégémonique au sein de la classe ouvrière depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale – et le RPF se disputaient l’appui des couches populaires. Le problème étant que le « rien » décrit par Malraux était au pouvoir et s’y maintenait grâce à sa pratique virtuose d’un parlementarisme dégénéré. Pendant la guerre, les communistes avaient rallié de Gaulle en 1943 comme étant le seul chef légitime de la Résistance française, lui apportant un soutien décisif dans sa lutte contre les Américains et Giraud, leur créature. Par la suite et surtout après le début de la guerre froide, ils le considérèrent paradoxalement comme un factieux désireux de mettre en place un pouvoir personnel, voire une dictature. Analyse à laquelle les dirigeants communistes des années 50 eux-mêmes souscrivaient mollement. Surtout après la bataille politique autour de la fameuse Communauté européenne de défense (CED) où l’alliance des deux forces (gaulliste et communiste) avait mis en échec le projet d’une armée européenne sous direction américaine ; démonstration d’un certain nombre de convergences.
Des gaullo-communismes ?
Le terme « gaullo-communisme », que l’on entend de loin en loin, recouvre plusieurs acceptions fort distinctes. Il y a d’abord cette accusation lancée à Charles de Gaulle d’avoir été quasiment un communiste caché. Elle a été proférée par des héritiers de ceux qui avaient choisi Vichy, tentant ainsi de justifier le choix de la trahison, puis par les tenants de l’Algérie française, qui ne lui pardonnaient pas la décolonisation, considérée comme une trahison au profit de l’Union soviétique, et enfin par les atlantistes fanatiques pour lesquels seule la défense des intérêts américains est une position acceptable. Accusation...