Chevènement ou les infortunes de la vertu républicaine
Le chevènementisme a été un temps, dans le tuilage du XXe et du XXIe siècle, le visage d’une gauche sociale et patriote portant haut les derniers feux du républicanisme français. Mais une bonne théorie ne fait pas toujours un destin. Un quart de siècle plus tard, l’héritage est pour le moins contrasté, entre impasses, errements et renoncements.
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Je figure parmi ceux, en nombre sans doute raisonnable, pour lesquels Jean-Pierre Chevènement a profondément compté. Par la gauche républicaine, il a favorisé mes retrouvailles avec la France comme patrie dans une époque, les années 1980 et 1990, où les vents dominants soufflaient violemment en sens contraire. Si la propagande antinationale n’a certes pas cessé depuis, elle battait alors son plein sans presque aucun contrepoids. D’après cette agressive idéologie, la France, dévaluée, devait quitter la scène de l’histoire au profit de la mondialisation et de son marchepied l’Union européenne. Parallèlement dénigrée, elle devait en permanence expier les « heures les plus sombres » de son histoire. Alors même que sa composition ethnique et culturelle se voyait brutalisée par une immigration extraeuropéenne massive, elle était tenue sous la garde d’un antiracisme à sens unique criminalisant, au moyen du Front national, toute critique d’un multiculturalisme de fait, à dominante islamique, dont les manifestations se faisaient chaque année plus bruyantes. Dans tout ce concert à peine rompu par quelques voix de droite gaulliste classique – autoritaire ou sociale, Pasqua ou Séguin –, Chevènement défendait seul à gauche la souveraineté politique, l’histoire nationale, une laïcité rigoureuse.
Chevènement, de l'Antiquité à nos jours
À l’heure où la République et ses « valeurs » sont mises à toutes les sauces, l’antinationale surtout, il n’est pas inutile de rappeler que le vocable était mal porté dans les années 1980. La génération 68 accédait alors au pouvoir politique, social, médiatique, et la « République » lui rappelait avec de Gaulle le tragique de l’histoire, les préaux de la laïque, une raideur civique importunant son hédonisme. Elle était, avec le catholicisme, l’autre expression de la « vieille France », un double archaïsme que les libéraux-libertaires, réunissant dans leur hostilité ces ennemis du début du XXe siècle, raillaient et combattaient activement. Seul donc Chevènement associait son socialisme à un corpus national-républicain qui,...