L’universalisme et ses ennemis
Pilier historique de la gauche, l’universalisme est désormais contesté au nom d’un amalgame récurrent : il serait à la fois un colonialisme, un impérialisme et un racisme. Est-ce vraiment si simple ? Pierre-André Taguieff rappelle les exigences d’un universalisme plein et entier.
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Il est arrivé une singulière mésaventure à l’universalisme : il a été noyé dans les eaux conceptuellement et politiquement douteuses du cosmopolitisme, du mondialisme et du « sans-frontiérisme ». Parallèlement, la défense de l’universel a été confondue avec le rejet de toutes les entités dotées de limites, au premier rang desquelles on trouve les identités collectives, qu’elles soient civilisationnelles, culturelles ou nationales. Ce rejet se fonde le plus souvent, dans le discours militant intellectualisé, sur la dénonciation, devenue rituelle, de l’« essentialisme », mot employé désormais comme une insulte, fonctionnant comme un quasi-synonyme de « racisme ». L’universalité a pris la figure de l’indéterminé et de l’illimité. Disons, la figure du « sans figure », ou celle du « sans identité » (définissable, localisable, fixe, etc.). On en connaît les traductions politiques : le « déraciné », le « sans-patrie », le « nomade », etc., objets de célébration ou de diabolisation. Dans cette perspective, l’individu n’est pensable qu’en étant réduit au même par l’effet d’un égalitarisme hypermoral devenu la religion politique des Modernes, héritée par les Postmodernes. Les individus sont ainsi désindividualisés et les « individus collectifs » fantasmés comme des fictions dangereuses, qui ne peuvent qu’engendrer des conflits. D’où l’idéalisation de ceux de « nulle part » ou de l’« étranger » sans identité assignable. L’universalisme ainsi idéologisé intervient comme une machine à désidentifier vertueusement les groupes humains comme les personnes. Le moment semble être venu de soumettre l’idée d’universel et la vision universaliste, baignant dans la confusion idéologique, à un examen critique en vue d’une clarification conceptuelle susceptible d’éliminer les faux problèmes qui ne cessent de surgir, notamment dans le champ des débats politiques. Au cœur de l’universalisme, il y a l’exigence d’universalité, qui reste à repenser pour pouvoir être défendue sans ambiguïté.
Antispécisme, écologisme, racisme
Être universaliste, c’est d’abord croire qu’il existe des valeurs universelles et des droits ou des principes de justice universels, c’est-à-dire universellement partageables et applicables, et...