La disparition progressive de la France comme référent de sens à gauche est un des faits structurants de l’après-guerre. Qu’on la remplace par la nouvelle France créolisée, la République solennelle ou l’Europe sociale, la France devient progressivement une sorte d’ancêtre encombrant. Le long du chemin de pénitence de ceux qui voulurent être l’ombre de l’Église et finiront peut-être à l’ombre de la mosquée, on trouve les pierres tombales des derniers patriotes issus de la gauche. Si leur trajectoire vers la chute (Georges Marchais), l’oubli (Henri Emmanuelli) ou la honte (Jean-Pierre Chevènement) est connue, ils ont laissé une tentation de la Nation chez un certain nombre de hiérarques. Non pas comme une conviction ou comme un songe, mais comme une carte qu’on peut jouer, un atout de manche qu’on se doit de garder au cas où. La question qui a révélé ces hommes, nationaux souvent malgré eux, est évidemment la question européenne. Certains ont critiqué l’euro, le libéralisme économique des traités, le manque de pouvoir du Parlement, l’orthodoxie budgétaire, la mainmise de la Commission, etc. Néanmoins, la dynamique du banc de poissons a toujours repris ses droits. Le peuple de gauche euroréaliste a pourtant existé et existe toujours. Il a fait sa part de la victoire du référendum de 2005 sur le Traité constitutionnel européen (TCE) et il se maintient dans une part de l’opinion. Plus encore, la popularité de certaines mesures socialisantes (hors assistanat) dans les électorats populaires votant RN ou souverainiste tendrait à illustrer qu’un type de socialisme – au sens du souci de la question sociale, dont est né originellement le socialisme – n’est pas aussi mort en France qu’on le pense. À cette aune, une question se pose. Comment ces hommes ont-ils pu échouer à maintenir un pôle patriotique à gauche ? Particulièrement après le référendum de 2005...