Personne, je pense, ne contestera que depuis une quinzaine d’années environ nous sommes entrés, sur certaines questions et sur certains importants enjeux relatifs à la liberté d’expression, dans une ère nouvelle et à plus d’un titre, inattendue. C’est ainsi que dans de nombreux endroits, par exemple en France, aux États-Unis, au Canada et au Québec, on a vu se multiplier les cas de censure, notamment dans les arts et la littérature ; que des mots sont soudainement devenus tabous et leur utilisation potentiellement lourde de conséquences personnelles ou professionnelles pour qui persiste à les employer ; que des conférences à l’université ont été annulées et des cours perturbés, voire interdits ; que des personnes ont été congédiées pour avoir exprimé ou défendu certaines idées et que d’autres ont été victimes de tentatives d’assassinat et parfois même tuées ; que de nombreux professeurs d’université ont avoué s’être autocensurés et s’être volontairement interdit d’utiliser certains mots ou d’évoquer certaines idées ; et bien d’autres choses encore, désormais documentées dans de nombreux ouvrages et articles, dessinant ce qu’on regroupe parfois sous l’appellation de « culture de l’annulation » (cancel culture). Cette situation inquiète un nombre grandissant de personnes. Non sans raison…

Inquiétantes nouveautés

Elle est, comme je l’ai dit, nouvelle, en ce sens que l’on n’aurait pas pensé, il y a disons deux décennies, que l’on assisterait à un tel recul d’un acquis très largement jugé crucial et inattaquable. Mais elle surprend d’autant plus que nombre de ces attaques à la liberté d’expression ont souvent émané de lieux dans lesquels sa défense était tenue pour y être un élément essentiel et non négociable, comme les arts et l’université, et ont parfois été lancées par des courants de pensée progressistes, qui ont longtemps été les porteurs et les ardents défenseurs de ces libertés. Certaines conséquences...