Colonialisme : la faute à Jules Ferry
Un jour, un éditeur courageux publiera Le Livre noir des droits de l’homme, dont une large part sera forcément consacrée à la Troisième République (1870-1940). Dans les premières années de ce régime, la gauche au pouvoir engagea en effet la France dans une entreprise coloniale désastreuse et suicidaire au nom des idéaux des Lumières. Une politique dont nous n’avons pas fini d’endurer les funestes conséquences.
C’est au promoteur de l’école gratuite, laïque et obligatoire que nous devons l’amorce de l’impitoyable expansion impériale opérée par la France à la fin du XIXe siècle. Figure centrale de la gauche républicaine, Jules Ferry envisage alors la colonisation tel un élan du cœur. Il s’agit à ses yeux d’exporter au loin les bienfaits du progrès, d’apporter aux peuples encore superstitieux la bonne nouvelle. Que ces peuples n’en veuillent pas n’est même pas envisageable. L’homme en pagne a simplement besoin d’être déniaisé, terre-à-terrisé, quitte à se voir imposer la présence et les mœurs de l’homme blanc.
Les mots de Jules Ferry, prononcés lors d’un fameux discours le 28 juillet 1885, sont à cet égard éloquents : « Il y a pour les races supérieures un droit, parce qu’il y a un devoir pour elles. Elles ont le devoir de civiliser les races inférieures. » Et d’insister sur le « côté humanitaire et civilisateur de la question » [sic], sur les débouchés économiques de l’entreprise et les nécessités politiques (« géopolitiques » faudrait-il lire, mais le mot ne fut introduit que quelques années plus tard), avant de conclure, en enfonçant le clou : « Je comprends à merveille que les partis monarchiques s’indignent de voir la République française suivre une politique qui ne se renferme pas dans cet idéal de modestie, de réserve, et, si vous me permettez l’expression, de pot-au-feu que les représentants des monarchies déchues voudraient imposer à la France. » Tout est dit.
Le colonialisme, une idéologie républicaine
Ce jour-là, Jules Ferry obtient le soutien d’une grande majorité des députés de gauche. Il a pourtant été évincé de la présidence du Conseil des ministres quatre mois plus tôt suite à l’échec de l’expédition du Tonkin. La droite, qu’elle soit monarchiste, nationaliste ou bonapartiste, manifeste quant à elle son opposition, essentiellement pour des raisons économiques (la colonisation s’avère coûteuse),...