Comment l'esprit gestionnaire tue la démocratie
Dans un pays où les élus ne portent aucune vision de l’avenir et n’ont qu’une approche juridico-comptable de la vie publique, il n’est pas étonnant que la démocratie soit en panne, que le clivage droite/gauche soit en berne et que les citoyens se sentent dépossédés de leur souveraineté.
En quoi les Français ont-ils confiance ? » Depuis douze ans, l'institut Opinionway pose cette question chaque année dans le cadre d’un sondage commandé par le Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof). En février, la dernière édition de l’enquête a confirmé le crédit important dont jouissent des institutions aussi variées que l’hôpital (avec un taux de confiance de 81 %), les forces de l’ordre (69 %) ou les conseils municipaux (54 %). Changement de ton en revanche dès qu’on interroge les sondés sur le sentiment qu’ils éprouvent à l’égard du personnel politique national : c’est la « méfiance » (39 %) et même le « dégoût » (23 %) qui alors arrivent en tête dans les réponses. Soit 62 % d’opinion défavorable…
Une telle défiance pose un problème démocratique, surtout quand elle se traduit par une désertion des urnes qui, sans certes remettre en cause la légalité du pouvoir des élus, en sape la légitimité. Or, ce qui explique en partie le renoncement de nombre de Français à exercer leur droit de vote est le sentiment que, quel que soit le parti élu, rien ne va changer, que la droite et la gauche se comportent de la même manière quand elles exercent le pouvoir. Et si ce phénomène était dû à la disparition de la politique au sens noble du terme, au profit des gestionnaires et des technocrates ?
Politique et technocrate
Pour la plupart de nos dirigeants actuels, il n’y a pas plusieurs choix politiques, mais un seul : l’adaptation aux règles et conséquences de la mondialisation. Le rôle du gouvernant est d’y conformer le peuple, de le mettre dans la seringue en quelque sorte, parce que c’est dans son intérêt, même si celui-ci n’en est pas convaincu. Ce mode de raisonnement est parfaitement technocratique. En effet, le politique est censé partir d’une vision du monde,...