Comment on tue une nation : l'exemple libanais
Fonder la politique à partir des communautés confessionnelles ne permet pas de produire un système sociopolitique efficace. Alors, gouvernance des communautés ou gouvernement de l’État ? La France est à la croisée des chemins et la réponse à cette question pourrait bien décider de son avenir. À travers la mise en perspective de l’histoire libanaise, l’auteur interroge, en miroir, la situation de la France contemporaine.
L’idée du déclin fait son chemin en France. Ce sentiment est parfois exagéré, mais il reflète des évolutions incontestables en termes économiques ou politiques. Néanmoins, la réalité d’un déclin relatif n’est pas le problème qu’on croit. La mondialisation a, certes, fait converger les performances économiques et rééquilibré la balance des puissances, mais le délitement social et l’effondrement culturel sont effectifs. Le modèle laïque et universaliste, qui a fait la beauté de la France comme nation politique, est en crise.
Ce sont de ces faits que surgit, pour comprendre la réalité française, la notion de libanisation, c’est-à-dire l’implosion d’un État sur des bases ethnoculturelles, avec la complicité active de dirigeants dépourvus de conscience nationale et englués dans l’affairisme. On ne compare que l’incomparable : la réalité n’offre que des réalités singulières. Mais il existe des concepts permettant d’éclairer la similitude des processus à l’œuvre. C’est pourquoi il est absurde de révoquer par principe toute comparaison entre la France et le Liban, sauf à projeter dans une altérité incompréhensible ce qui se passe de l’autre côté de la Méditerranée : « Le Liban est à la proue, mais nous sommes dans un bateau (1). » Nous proposons de montrer les logiques culturelles, économiques et politiques conduisant au désastre et constituant autant de leçons, limitées mais précieuses, pour les Français. Sera éclairé l’assassinat d’un peuple par sa classe dirigeante, qui n’a pas voulu reconstruire l’État au sortir de la guerre civile et s’est employée à diviser la nation pour mieux régner sur elle.
Héritage ottoman et moment français
La nation, comme nous la concevons depuis 1789, n’est autre que l’organisation politique du peuple. Autrement dit, les individus d’un territoire donné acceptent de se soumettre à la loi qu’ils se donnent au travers d’un État – le contrat social. Or, l’histoire n’a pas favorisé, dans le cas...