De Gaulle l'inclassable ?
« La France, c’est tout à la fois, c’est tous les Français ; ce n’est pas la gauche, la France ; ce n’est pas la droite, la France », déclarait le général de Gaulle en 1965 au micro de Michel Droit. Roland Hureaux montre en quoi cette formule n'a rien d'anodin et définit le positionnement politique de toute une vie.
Charles de Gaulle est sans nul doute né dans un milieu de droite, monarchiste et catholique. Avec quelques nuances : le père de de Gaulle, professeur dans un collège religieux, avait pris parti pour le capitaine Dreyfus, considérant que la France chrétienne, celle de saint Louis, ne pouvait faire passer la justice due à un homme après des considérations institutionnelles comme l’honneur de l’armée, le contraire de la position de Charles Maurras. C’était une famille d’intellectuels, pas de militaires. On n’y avait pas, malgré quelques alliances industrielles, le culte de l’argent.
Des horizons élargis
Il semble que Charles de Gaulle ait, très jeune, cherché à élargir ses horizons. Sa mère se plaignait, sans doute en plaisantant, que ses enfants soient devenus « républicains » ; une attitude assez compréhensible pour Charles qui avait quinze ans en 1905, alors que l’espoir de restaurer la monarchie s’éloignait.
L’ouvrage La France et son armée (1938) qu’il écrivit d’abord pour Philippe Pétain, puis pour son propre compte, met toutes nos victoires militaires, qu’elles soient royales, républicaines ou impériales, à la gloire de la France, comme l’avait fait Chateaubriand, un de ses maîtres à penser.
Dès 1936, il confirme sa volonté de se démarquer de la droite. Comme militaire, il ne pouvait adhérer à aucun parti politique, mais il cotisa aux amis du Temps présent, le journal de l’aile gauche de la démocratie chrétienne, celle qui avait soutenu le Front populaire. Dans la guerre d’Espagne, il semble avoir penché pour le camp républicain, sans aucune sympathie sans doute pour les massacreurs de prêtres mais considérant, dans le seul intérêt de la France, que la victoire du camp national amènerait la Wehrmacht derrière les Pyrénées.
Dès ce temps-là, celui de la jeunesse et de la maturité, se forme chez lui l’idée que le grand politique doit épouser la cause...