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De l’eugénisme au transhumanisme, ou l’amélioration de l’espèce humaine comme rêve et comme projet

On aurait tort de croire que le grand rêve de la perfection humaine est récent ; on le trouve chez Platon. Toutefois, avec le progrès technologique, le vieil eugénisme semble nécessairement mener au transhumanisme. Une généalogie s’impose.

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L’eugénisme est un projet qui a une courte histoire, mais une longue préhistoire. Créé en 1883 par Francis Galton, le mot « eugénisme » – ou « eugénique » (eugenics : « bonne naissance ») – revêt plusieurs sens, et ce qu’il désigne ne constitue pas un phénomène aux contours bien définis, même si son noyau dur comprend l’idée de « sélection humaine » et celle d’amélioration des aptitudes humaines. Mais comment interpréter ce projet ? De la sélection des procréateurs prônée par Platon à la sélection des embryons ou des gènes, les données, les techniques disponibles et les problèmes posés ne sont pas restés les mêmes. C’est pourquoi le projet eugéniste n’a jamais cessé de faire l’objet de débats, dans le monde scientifique comme dans le champ politique, non sans passionner nombre d’écrivains et de philosophes. Perçu comme un projet exaltant ou répulsif, l’eugénisme est le plus souvent fantasmé et ressemble à l’hydre aux mille têtes de la légende.

L’eugénisme, entre récits utopiques et pratiques sociales

Au mot « eugénisme » sont associés en effet des projets technoscientifiques, des doctrines hétéroclites, des utopies diverses, certaines relevant de la science-fiction, des personnages mythiques (sur le modèle du savant prométhéen et irresponsable Victor Frankenstein dans le roman éponyme de Mary Shelley, publié en 1818), des lois, des mesures ou des pratiques relatives à la procréation, des politiques de population (inspirées notamment par tel ou tel courant de l’hygiénisme), des comportements criminels (« euthanasie » des malades mentaux ou stérilisations forcées), etc. Depuis la publication, en 1932, du roman d’anticipation dystopique d’Aldous Huxley, Le Meilleur des mondes (Brave New

World), l’eugénisme est souvent réduit par ses critiques à un projet de contrôle et de conditionnement psychologiques et biologiques ne pouvant donner naissance qu’à une société de castes.

Dans cette perspective, l’eugénisme est dénoncé comme porteur d’un modèle totalitaire d’organisation sociale impliquant une « purification » de la population,...