Démographie contre démagogie
Dans un entretien exclusif, la démographe Michèle Tribalat détaille sans faux-semblant les différentes composantes de la nouvelle société française et précise la part de l’immigration étrangère. Quand la démographie permet enfin de sortir des fantasmes, des a priori et des chimères...
F.P. : La contribution de l’immigration étrangère à la population de la France apparaît de plus en plus comme un sujet tabou et alimente des fantasmes divers. Dans vos travaux, vous avez estimé la population due à l’immigration depuis 1960. Quelle est sa part dans l’ensemble de la population ?
Michèle Tribalat : Sans immigration étrangère depuis 1960, il aurait manqué 9,7 millions de personnes en France métropolitaine. La population aurait à peine dépassé 53 millions en 2011, soit à peu près le nombre d’habitants observé en 1978, trente-trois ans auparavant. Cet apport démographique se décompose en un apport direct (immigrés arrivés à partir de 1960 encore présents en 2011) de 5,1 millions et un apport indirect (nés en France de 1960 à 2010) de 4,6 millions de personnes. L’immigration étrangère explique 55% de l’accroissement démographique depuis 1960.
F.P. : Vous avez établi que la vague migratoire enregistrée à partir de 2000 est celle qui a le plus contribué à l’évolution démographique de la première décennie du XXIe siècle, alors même que son apport est plus récent. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi ?
Michèle Tribalat : Cette vague migratoire coïncide avec la reprise de l’immigration étrangère, alors que celle-ci avait été très modérée au cours du dernier quart du XXe siècle, période pendant laquelle la proportion d’immigrés n’a pas augmenté. Depuis le début du XXIe siècle, cette dernière a recommencé à croître à hauteur de ce qu’on a connu pendant les Trente Glorieuses. En très peu de temps, son apport démographique est presque équivalent à celui cumulé lors de la vague des années 1970. Son impact est très visible sur la natalité de la première décennie de ce siècle.
F.P. : Les besoins d’immigration en France sont souvent justifiés par une nécessité de lutter contre la faible natalité et le vieillissement de la population. Que disent vos études...