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Dessin de presse (1968-2022) : fermez la parenthèse

Michel Iturria, qui dessinait depuis cinquante ans pour Sud-Ouest, vient de démissionner à la suite de désaccords de plus en plus marqués avec la rédaction en chef du journal. À l’occasion de son départ, celui qui est aussi passé par Pilote, Lui, L’Os à moelle et bien d’autres, raconte l’âge d’or du dessin de presse, tragiquement achevé en 2015 dans les locaux de Charlie Hebdo.

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Juin 2019, le New York Times, qui avait accueilli les plus grands dessinateurs (Searle, Rauch, Ungerer…) annonce qu’il ne publiera plus de dessins, pour NE PAS CHOQUER ses lecteurs.

Juillet 1969, juste cinquante ans auparavant, Le Monde, journal austère s’il en fut, ouvrait ses colonnes au dessin parce que, disait-il, « il avait besoin de la force du trait pour toucher juste, au RISQUE DE CHOQUER ».

Comment a-t-on pu assister durant cette période aussi courte, un demi-siècle seulement, à un revirement aussi complet dans l’approche du dessin de presse ? Et comment une activité souvent considérée comme futile et légère a-t-elle pu déclencher émeutes et tragédies dans le monde entier ?

Tout d’abord, il faut noter qu’il y a cinquante ans, personne ne parlait de « dessin de presse ». Pour une raison très simple : ce terme que tout le monde utilise aujourd’hui est apparu seulement à la fin des années 70, joyeuses, débraillées et mal peignées. Jusqu’alors, il existait surtout dans la presse une énorme production de dessins humoristiques tournés vers la gaudriole, des histoires de petites femmes ou de Français moyens avec Dubout, Bellus, Kiraz.

Mais parallèlement surgit une nouvelle école de dessinateurs avec les Chaval, Bosc, Mose et plus tard Sempé, qui avaient découvert en 1945 lors d’une exposition organisée à Paris par l’ambassade des États-Unis, l’humour décalé et le nonsense des illustrateurs du New Yorker (Addams, Arno, Steinberg, Thurber). Ces nouveaux convertis au second degré finirent par envoyer au rencart les dessins mièvres ou graveleux qui faisaient encore florès.

Paris Match fut la première publication à les accueillir, puis ce fut L’Express, qui embaucha Siné en 1958. Très vite, cette génération égala les maîtres américains, voire les dépassa, comme en témoigne la revue Bizarre et son numéro manifeste de 1964 qui fit date. Ces années-là virent aussi débouler Hara-Kiri, journal « bête...