Il était une fois le réveil du peuple français
L’avocat François Boulo, l’une des figures marquantes des Gilets jaunes, revient sur l’histoire du mouvement social et la crise de représentativité qui a marqué son essoufflement. Pour autant, les crises qui ont suivi ont continué de marquer l’effondrement : politique, économique, intellectuel et moral. La gravité du moment appelle désormais chacun à un nouveau sursaut et dépassement.
Une date, celle du 17 novembre 2018, est entrée dans l’histoire des mouvements sociaux. Ce jour-là, des millions de Français sur les ronds-points ont surgi sur la scène publique pour crier leur colère et leur désespoir face à une classe politique incompétente qui les méprisait depuis tant d’années : « Ça suffit ! La coupe est pleine ! », criaient-ils. Sous les yeux écarquillés du pays tout entier, les invisibles d’hier, isolés et impuissants, investissaient la politique pour se reconstituer en tant que peuple en convoquant l’Histoire et les symboles de notre nation : la grande Révolution de 1789, la Marseillaise, le drapeau bleu blanc rouge et la devise de la République : « Sur les ronds-points on a retrouvé la fraternité, nous allons reconquérir la liberté et l’égalité. » Fini les étiquettes politiques, les appartenances partisanes, les clivages artificiels ou secondaires, les citoyens refusaient de se laisser diviser pour se fédérer sur l’essentiel : l’injustice fiscale et sociale ainsi que la reconquête de la démocratie via le référendum d’initiative citoyenne. Au-delà de la revendication du pouvoir d’achat, c’est la volonté de reprendre le pouvoir sur leur vie qui s’exprimait. Par-delà le « Président des riches », c’est le pouvoir politique confisqué par une oligarchie toujours plus prédatrice qu’il fallait reconquérir. Parce que le niveau des inégalités avait allègrement franchi les limites du justifiable et de la moralité, le peuple était décidé à reprendre sa souveraineté et il le faisait savoir à ceux qui l’en avaient privé. Les conditions matérielles d’existence devaient changer et le peuple, trahi par ses gouvernants, était déterminé à s’en donner les moyens.
Il n’en fallait pas plus pour que la caste médiatique et politique pousse immédiatement les cris d’orfraie dont elle est coutumière dès lors qu’elle sent ses intérêts menacés : « Racistes ! Homophobes ! Antisémites ! » Problème. Le procédé, grossier et maintes fois éculé, demeurait cette fois-ci sans effet. Malgré...