Immigration : le new deal britannique
Depuis son arrivée aux affaires, Boris Johnson a surpris son monde en repensant la question de l’immigration. Protéger les citoyens défavorisés de la concurrence et des tensions sur les salaires, attirer de meilleurs talents sont les nouveaux axiomes de sa politique. Cette nouvelle donne représente une volte-face dans l’histoire récente de nos voisins. Quelles sont les raisons qui ont conduit le Parti conservateur, au pouvoir depuis dix ans, à ce changement de paradigme ? Réponses et explications du système à points par le représentant en France du Parti conservateur, Jeremy Stubbs.
Au Royaume-Uni, il y a toujours eu quatre attitudes possibles envers l’immigration. Première approche : estimer que c’est une question d’ethnicité. Le résident autochtone se demande alors si les immigrés actuels ou potentiels lui ressemblent physiquement. Aujourd’hui, cette attitude est largement rejetée dans le débat public. La deuxième approche voit dans l’immigration une question de culture : cette fois-ci, il s’agit de se demander si les candidats à la citoyenneté ont une culture compatible avec celle du pays d’accueil, une culture qui ne se positionne pas en rivale des traditions établies et ne crée pas de frontières invisibles à l’intérieur du pays. La troisième attitude considère que l’immigration est une question de nombre : dans quelle mesure les nouveaux arrivants constituent-ils une source de compétition déloyale vis-à-vis de la main-d’œuvre locale et une charge insupportable pour les services publics ? Enfin, la quatrième attitude voit dans l’immigration surtout une question économique : quelle est la valeur ajoutée des immigrés, grâce à la contribution unique qu’ils apportent à l’ensemble de l’économie, plutôt qu’à un petit nombre de secteurs ? Le gouvernement britannique actuel, celui de Boris Johnson, a opté pour cette dernière approche. La nouvelle politique qui en résulte représente une volte-face dans l’histoire politique récente. Qu’est-ce qui a conduit le Parti conservateur, au pouvoir depuis dix ans, à ce changement de cap ? Dans quelle mesure la nouvelle approche interagit-elle avec les trois autres attitudes potentielles envers l’immigration ?
Le premier problème est que les derniers gouvernements successifs ont donné l’impression de ne pas contrôler l’immigration. Entre les deux recensements de 2001 et 2011, 70% de l’augmentation de la population britannique est attribuable à l’arrivée d’immigrés. Face à l’inquiétude croissante de l’opinion, le gouvernement conservateur élu en 2010 a adopté une stratégie explicite de réduction des flux. Theresa May, d’abord comme ministre de l’Intérieur, ensuite comme Première ministre,...