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Inflation : l’ère de la « boucle prix profits »

LE ROND-POINT. En mars dernier, Geoffroy Roux de Bézieux, président du MEDEF, affirmait sur Public Sénat que l’inflation était « là pour durer », en raison d’une « boucle inflation salaires », phénomène bien connu des économistes. Problème, ce processus ne concerne que les pays proches du plein-emploi. Mais pas la France, où il faut plutôt constater une « boucle prix profits ».

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À l’échelle de la zone euro, le jeune économiste autrichien Philipp Heimberger a montré que la contribution de la hausse des profits au rebond inflationniste en cours était deux à trois fois supérieure à celle de l’augmentation des coûts salariaux. Deux raisons à ce constat, qui rejoint deux fondamentaux de notre économie actuelle. D’abord, beaucoup de marchés se sont concentrés depuis vingt ans, aboutissant à la constitution d’oligopoles de fait, où les entreprises sont bien plus en mesure d’imposer des hausses de tarif compensant très largement l’augmentation de leurs coûts. C’est tout l’intérêt des mouvements de rachats ou fusions, qui permettent de rééquilibrer les rapports de force en faveur des producteurs, et au détriment des consommateurs.

Une quête sans fin

Et ce mouvement rejoint la deuxième raison, qui est la demande sans cesse croissante de profits des actionnaires, encourageant les mouvements de concentration. Quand les entreprises subissent des hausses de coût, elles savent qu’il est essentiel de pouvoir les compenser par des hausses de prix pour réaliser leurs objectifs. Les dirigeants qui n’y parviennent pas perdent vite leur poste. Même si ce n’est pas toujours le cas, bien d’autres profitent de la hausse de l’inflation pour monter les prix davantage que ne l’exigent les hausses de coût, afin de générer plus de profits. En cela, une inflation plus élevée peut représenter un effet d’aubaine pour ce capitalisme actionnarial dont la cupidité n’a aucune limite. C’est ce qu’indique l’évolution des profits des grandes entreprises.

Bien sûr, l’écart dans la montée de l’inflation (9,1% aux USA, 9% Royaume-Uni, 7,6% en Allemagne contre 5,8% en France) indique aussi une corrélation entre la situation du marché de l’emploi et le niveau de l’inflation. Plus le niveau de chômage est bas, puis la poussée inflationniste est forte, car l’équilibre du marché du travail favorise les...