Jurisprudence : du droit de l'immigration au droit à l'immigration
S’il existe un droit de l’immigration, que les tribunaux sont chargés d’interpréter, l’intervention continue du juge administratif depuis une trentaine d’années a abouti à la création d’un droit à l’immigration. Un phénomène à rebours de la volonté du Parlement français souverain, et qui s'explique moins par les textes internationaux que par les décisions judiciaires du Conseil d’État.
En cette période de pandémie, alors qu'on le voit justifier tant de mesures liberticides, on peut légitimement se demander si le droit à l'immigration est conçu par ses promoteurs comme devant primer sur celui de la santé, de l’économie et de la protection des libertés publiques. Par une ordonnance du 21 janvier dernier, le Conseil d’État vient de répondre résolument oui à cette question. En effet, il a suspendu l’application d’un décret qui interrompait la délivrance des visas de regroupement familial. Le principal danger qu’entendait prévenir ce texte était l’apparition de nouveaux variants plus dangereux que le virus initial, potentiellement portés par les demandeurs de visa.
Peu importe ce danger, estime donc le Conseil d’État, pour qui le droit au regroupement familial prime sur (1) la santé des Français, (2) leurs libertés publiques (un virus variant étant de nature à justifier de nouvelles assignations à résidence) et (3) l’économie nationale (les nouvelles restrictions sanitaires aggravant la récession).
Cette décision récente illustre tout à la fois la puissance exceptionnelle de la juridiction administrative suprême en matière de droit de l’immigration et son attachement farouche au droit des étrangers à s’installer en France. Selon les magistrats du Palais-Royal, la liberté d’aller et venir (confinement ou couvre-feu), la liberté d’entreprendre (fermeture de nombreux commerces dont les librairies) et la liberté de culte, entre autres, peuvent être sacrifiés face à l’impératif sanitaire, mais pas le droit d’immigrer.
On a coutume de dire que les droits européens (droits de la Cour de justice de l’Union européenne et droits de la Cour européenne dite des droits de l’homme) contraignent la France, malgré ses lois et ses règlements internes, à accueillir de très nombreux immigrés au motif que les juges seraient enclins à préférer le droit international. Cette affirmation est fondée mais elle est aussi trompeuse. Fondée,...