La construction politique de la paix
« Qui veut la paix prépare la guerre », l’adage est ancien et connu. Mais qui veut la paix prépare aussi… la paix. Un travail politique et économique de longue haleine que l’Occident n’a jamais pris la peine d’entreprendre, enivré du fantasme de sa propre puissance. Maintenant, les BRICS sont là, la Russie et la Chine se rapprochent, le reste du monde s’organise, les ressources se raréfient, l’Occident désindustrialisé et tertiarisé claironne. Mais pour combien de temps ?
Eh bien ! citoyens, dans l’obscurité qui nous environne, dans l’incertitude profonde où nous sommes de ce que sera demain, je ne veux prononcer aucune parole téméraire, j’espère encore malgré tout qu’en raison même de l’énormité du désastre dont nous sommes menacés, à la dernière minute, les gouvernements se ressaisiront et que nous n’aurons pas à frémir d’horreur à la pensée du cataclysme qu’entraînerait aujourd’hui pour les hommes une guerre européenne. » Jean Jaurès, 25 juillet 1914 à Lyon-Vaise – cinq jours avant son assassinat.
Depuis le 24 février 2022, avec l’invasion de l’Ukraine par la Russie, la guerre a fait son retour en Europe. Certains commentateurs déclarent que cela ne s’était jamais vu depuis la Deuxième Guerre mondiale ; c’est oublier un peu vite les guerres de Yougoslavie durant la décennie 1990 et la guerre du Kosovo en 1999. Néanmoins, bien que cette dernière ait rassemblé la plus grande armada aérienne de l’histoire de l’humanité, elle n’égale ni en intensité ni en danger pour la paix mondiale celle qui se déroule actuellement en Ukraine. Les guerres de l’ex-Yougoslavie auraient dû, pourtant, être une alerte sur les menaces structurelles pesant sur la paix dans le monde et en Europe : problèmes jamais résolus des frontières et des peuples ; différences idéologiques, religieuses, sinon civilisationnelles ; irrédentismes ignorés ; zones d’influence régionales ; besoins entravés des populations en matière de développement économique et de justice sociale. Il n'en a rien été. Bien au contraire, l’Occident, frappé par l’hubris, a négligé toutes ces tensions potentielles, nié les différences et tenté d’imposer, tant par les armes que par l’économie, ou encore par le soft power, son hégémonie géopolitique, ses orientations économiques, sa vision du monde, son idéologie même, souvent au détriment de bien des nations et des peuples. En face de lui, aucune opposition. La Chine...