La culture au rythme du supermarché
La créativité et les imaginaires, ce que l’on appelle la « culture », sont si marchandisés qu’il n’est pas rare de parler aujourd’hui d’« industries culturelles ». Un marché dopé par le digital, marqué par la concentration des acteurs et la standardisation des produits, dominé par une poignée de multinationales le plus souvent américaines qui menacent aujourd’hui la diversité des expressions culturelles et la survie de l’identité des imaginaires.
L’expression métaphorique et pourtant très concrète de la marchandisation de la culture se trouve, entre autres lieux, le long du boulevard Anspach, cette grande artère centrale à Bruxelles, dans des boutiques alignées les unes après les autres qui proposent des vitrines entières de figurines issues de bandes dessinées, Tintin et Astérix en tête, de mangas, de fictions ou encore de personnages de romans. Il y en a de toutes les formes, de toutes les couleurs, de tous les prix, mais elles ont pour points communs d’être toutes moulées et fabriquées à la chaîne, étiquetées d’un code-barres comme un pack de yogourts ou de sodas. Les œuvres artistiques sont réputées uniques et rares, les produits culturels nombreux, et c’est bien leur avantage pour le capitalisme. Le divertissement, toutes formes de divertissements, étant devenu la dopamine de nos sociétés, l’économie s’est immiscée toujours plus dans les champs culturels et la rentabilité est le paradigme qui permet de juger et de jauger la création. Les films ou les séries s’écrivent suivant des « bibles », les livres n’échappent plus au marketing, les grands musées doivent faire évènement. Et ce n’est pas tout. Parce que tout peut faire profit, les musées louent leurs tableaux, les boutiques s’agrandissent, les produits dérivés envahissent les rayons, les fast-foods se déclinent dans les espaces de convivialité des expositions. Et comme il faut considérer sans cesse l’extension du domaine du profit possible, le marché se mêle par exemple de faire monter la cote d’artistes contemporains en introduisant leurs œuvres dans des collections privées de mécènes qui sont autant intéressés par l’art que soucieux de préserver leur patrimoine financier, ou encore, encourage à investir dans des instruments anciens de musique classique. Il n’y a pas mieux comme investissement spéculatif que ces trésors de lutherie utilisés par des musiciens en vogue.