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La deuxième gauche contre l'État, la nation et la France

On aurait tort de réduire l’histoire de la deuxième gauche aux éphémères passages de Pierre Mendès France et Michel Rocard à Matignon. Car l’idéologie de la « social-démocratie à la française » jouit en réalité d’une influence centrale en France depuis presque quarante ans, expliquant le déclin de l’État stratège et l’européisme forcené de nos élites. La deuxième gauche, parti de l’étranger ?

/2022/12/24_Gauche


Peu de courants d’histoire politique ou d’histoire des idées portent en eux une hérédité à la fois si intellectuellement touffue et si politiquement dramatique. Sans les hommes de la deuxième gauche, il n’y aurait certainement jamais eu Emmanuel Macron, qui en est l’aboutissement logique. Ce courant politique aura été une redoutable machine à produire des « élites » intellectuelles et politiques. Il est peu de dire que le bilan est lourd. Si le terme « deuxième gauche » apparaît très tard (lors du Congrès socialiste de Nantes en 1977), elle regroupe dans les faits un courant de la gauche non-communiste qui se structure depuis les années 1950. En effet, la deuxième gauche s’est construite en opposition au marxisme et, plus globalement, à l’héritage de la Révolution française. De la même manière qu’à droite, l’Union pour la démocratie française (UDF) a fédéré toutes les chapelles idéologiques opposées au grand parti populaire gaulliste (des libéraux aux anciens collaborationnistes, des atlantistes aux anciens de l’Algérie française), la deuxième gauche va regrouper des forces hétéroclites opposées aux PCF (chrétiens de gauche, trotskistes, sociaux-démocrates d’obédience pro-allemande, gauche californienne…). Tous ceux qui, à une époque structurée par l’imaginaire gaullo-communiste, ne trouvent pas leur place dans la vie politique française.

De la voiture-balai de la subversion à l’empire de la gauche libérale

La deuxième gauche se structure sur deux pôles essentiels : la Confédération démocratique du travail (CFDT) et le Parti socialiste unifié (PSU). Elle naît essentiellement lors de la « déconfessionnalisation » de la CFTC (Confédération française des travailleurs chrétiens) en 1964, qui donne naissance à la CFDT sous l’impulsion d’Eugène Deschamps, son secrétaire général, issu des rangs du courant de chrétiens de gauche Reconstruction. Elle témoigne de l’entrée massive dans les années 1960 d’une génération de militants sortis des Jeunesse ouvrières chrétiennes (JOC) au sein de la CFTC. Cette nouvelle génération, porteuse...