La logistique n’a jamais vraiment été une question dominante au cœur du débat public. Il faut remonter au milieu des années 60 pour la voir apparaître furtivement lors d’une séquence médiatique de l’entre-deux-tours de la campagne présidentielle de 1965 restée célèbre grâce à une phrase du général de Gaulle : « L’intendance (1) suit ».

Les pertes de mémoire

La logistique est une partie très importante de l’intendance. La France a payé très cher d’avoir sous-estimé son poids lors de certains épisodes de son histoire contemporaine. Pour mémoire, la défaite contre la Prusse lors de la guerre de 1870 est imputée en partie à la manière dont l’ennemi a su tirer profit de ses capacités de transport ferroviaire pour convoyer ses troupes vers le front (2).

La Seconde Guerre mondiale mit en exergue les problèmes de logistique sur l’ensemble des fronts. Rappelons-nous les efforts des alliés pour que le débarquement du 6 juin 1944 n’échoue pas à cause d’une logistique défaillante. Mais après la victoire contre le nazisme, l’éloignement du risque de guerre en Europe fit de nouveau perdre peu à peu la mémoire au monde politique comme le soulignent les auteurs d’un rapport (3) publié en 2024 par l’École de guerre économique (EGE). La logistique n’a pas qu’un rôle essentiel en temps de guerre, mais aussi en temps de paix.

L’inauguration du canal de Suez en 1869 est le symbole d’une réussite française. Son impact sur le commerce mondial se mesure chaque jour qui passe. Mais la majorité des élites françaises n’a pas pris la peine de saisir le retentissement de ce cas exemplaire de stratégie de portée géoéconomique. Certes, il s’agissait avant tout du combat d’un homme, Ferdinand de Lesseps, qui, sans le soutien des banques, sut trouver 20 000 épargnants, essentiellement français, pour finaliser le lancement d’un tel projet. Un scandale...