« La machine peut servir d’outil à la création. »
Raphaël Doan a été l’un des premiers auteurs français à utiliser ChatGPT dans le cadre d’un essai à la fois historique et fictionnel. Nous l’avons interrogé sur l’apport pratique de cette technologie comme outil créatif et sur les forces et les faiblesses de l’IA.
F.P. : Avec Si Rome n’avait pas chuté, vous avez à ma connaissance été le premier à utiliser ChatGPT dans un livre mêlant histoire et fiction. Pourquoi avoir choisi d’utiliser l’IA ? Que vous a spécifiquement apporté la machine ?
Raphaël Doan : C’est une fascination spécifique que j’ai pour les intelligences artificielles génératives depuis qu’elles sont facilement accessibles au public, soit à peu près un an et demi : je ne suis pas, en principe, passionné par toutes les nouvelles technologies, mais celle-ci m’a paru tout de suite extraordinaire, parce qu’elle concerne des activités intellectuelles et artistiques. C’est la première fois que nous pouvons lire du texte qui n’a pas été écrit par un être humain, c’est la première fois que nous voyons des images qui ne sont ni peintes par un être humain ni une captation d’un instant réel comme la photographie. C’est particulièrement troublant quand, comme moi, on a reçu une formation littéraire et qu’on a écrit des livres. C’est pourquoi j’ai voulu tenter de pousser le plus loin possible l’expérimentation au sein d’un livre, pour voir comment l’IA pouvait me servir à créer quelque chose qui m’aurait été impossible auparavant.
F.P. : Sans déconsidérer son apport technologique réel, ChatGPT n’est qu’un modèle de langage qui établit des probabilités sans comprendre ce qu’il dit. Comment expliquez-vous son pouvoir de fascination, 200 millions d’utilisateurs en quelques mois ?
Raphaël Doan : C’est vrai. Dans sa structure même, ce n’est qu’un perroquet qui prédit des mots les uns après les autres en fonction de leur vraisemblance statistique. Mais ce qui est incroyable, c’est de voir à quel point ce perroquet est puissant ! C’est même frappant de constater l’efficacité d’un concept aussi simple, probablement due à la taille gigantesque des données d’entraînement. Certes, il ne « comprend » pas ce qu’il dit au sens où il n’a aucune réflexivité, pas...