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La mort de la mort ou l’ultime utopie

Vaincre la mort est l’utopie reine du transhumanisme, triompher enfin de la finitude biologique et donc de la condition humaine depuis ses origines. Mais trois questions demeurent : comment, pourquoi et à quel prix ?

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Une opinion peu attentive verra dans le transhumanisme la réalisation heureuse du plus ancien et du plus enraciné des désirs humains, celui de l’immortalité. Mais si la mort est vaincue par la technique, l’homme peut-il encore avoir un destin ? Les Immortels, estimait Hölderlin en son Hyperion, « vivent purs de destin ». Restera-t-il encore quelque chose à vivre une fois la mort exfiltrée à jamais de l’existence humaine ? Clôturant des ères entières de vie précaire et intense, chahutée entre passages par la vallée des larmes et périodes heureuses, mettant un point final à des millénaires de pleine vie, le transhumanisme, à cause même de la caducité de la mort qui le définit, n’ouvre-t-il pas l’espace infini du vide de vie ? Promesse de la science et de la technique, la mort de la mort est-elle vraiment une bonne affaire ?


La mort, fondation de l’humanité


Quand la raison commence à se développer chez l’enfant, il demande « Qu’est-ce que la mort ? ». Au moyen de cette question puérile, chaque petit d’homme retourne d’une part au point de surgissement de l’humanité, et d’autre part, l’humanité renaît réellement en lui, en chacun d’entre nous, pas seulement symboliquement. En torturant cette question de la mort, l’enfant devient homme. Des années durant, il s’amuse avec elle, la manipule (il joue à la guerre, au chirurgien, à la victime, au bourreau), il fait s’entretuer des petits soldats, des poupées, il martyrise des animaux, il va même jusqu’à simuler en rêve la mort sur ses parents. Définissons la mort : la grande initiatrice. Ajoutons : le trou noir par lequel – sous la figure du refus, de l’angoisse, du questionnement – l’humanité commence. Cet énoncé est vrai aussi bien des individus que du genre : il n’y a pas d’humanité avant la mort, mais simplement une animalité parmi les autres. Dans la lignée de Théophile...