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La Suisse au péril de l'OTAN

L’invasion de l’Ukraine est l’occasion pour le camp euro-atlantiste de faire pression sur la Suisse, qui s’enorgueillit de longue date de son indépendance sur la scène internationale. La Suisse peut-elle remettre en cause sa neutralité historique ? Pour Pierre Lévy, c’est un bras de fer avec l’UE qui se joue en coulisse.

/2023/06/18_suisse


La Suisse va-t-elle adhérer à l’OTAN ? Formulée ainsi, la question paraît provocatrice, tant cette perspective semble improbable, du moins à court terme. Il n’empêche : certains en rêvent sans doute. En tout cas, de nombreux dirigeants occidentaux (notamment de l’UE) ne cachent plus leur agacement, qu’on pourrait résumer ainsi : la neutralité suisse, ça commence à bien faire ! Les grands médias abondent dans ce sens, à l’instar de l’éditorial du Monde publié le 18 février dernier, qui concluait en mettant Berne en demeure : « Il faut maintenant trancher ! » Trancher, c’est-à-dire, suivant la logique occidentale, sortir de l’« ambiguïté ».

Car la Suisse a d’un côté fini par accepter de s’aligner sur les sanctions antirusses lancées par Bruxelles visant officiellement à stopper – avec le succès que l’on sait – l’action militaire de Moscou en Ukraine. Mais d’un autre côté, Berne se refuse toujours à livrer des armes et munitions à l’armée de Kiev, se conformant ainsi à sa tradition de « neutralité ». Non seulement la Suisse s’interdit d’exporter du matériel militaire vers un pays en guerre, mais elle bloque aussi le souhait de différents pays de l’UE d’expédier des équipements au profit de l’Ukraine dès lors que lesdits équipements avaient été achetés à des fournisseurs helvétiques. Par exemple, la Bundeswehr s’est vue refuser d’expédier vers l’Ukraine 12 400 obus antiaériens, fabriqués en Suisse, utilisables par les chars Gepard livrés par Berlin à Kiev. Mi-février, le vice-chancelier allemand a martelé « ne pas comprendre » la position des autorités helvétiques. Peut-être Robert Habeck (Les Verts) a-t-il des difficultés avec le concept de neutralité ? Ce principe suisse n’est pourtant pas nouveau. Il remonte au XVIIe siècle, a ensuite été formalisé en 1815, puis consacré par la convention de La Haye de 1907. Il a été réaffirmé en 1993 par un rapport du Conseil fédéral (le gouvernement). Cette neutralité recouvre une...