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Le grand malentendu : De Gaulle et la question européenne

Il n’y a pas plus sourd que ceux qui ne veulent pas entendre. C’est le cas des européistes, qui déclarent sans vergogne et à jet continu que de Gaulle était un grand partisan de la « construction européenne ». Quelle construction européenne ?

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À mon amie Coralie Delaume


Dès le temps de la guerre, de Gaulle évoque la nécessité d’une organisation de l’Europe, bien qu’elle soit alors au centre de la propagande des nazis comme du gouvernement de Vichy, lequel affirme vouloir « gagner » à la France, par la collaboration, une place dans cette Europe allemande. Le 11 novembre 1942 à Londres, à l’Albert Hall, de Gaulle dénonce ainsi une « Europe unie et compacte » qui s’édifie « sous la direction d’Hitler », tout en affirmant que la France devra « tout faire pour qu’en Europe, ceux dont les intérêts, le souci de leur défense et les besoins de leur développement sont conjugués avec les siens se lient à elle, comme elle-même à eux, d’une manière pratique et durable. »


Une entente pratique entre États souverains


Jusqu’en 1958, le vocabulaire qualifiant ce projet varie – de Gaulle emploie indifféremment les mots fédération et confédération – de même que les limites envisagées. Le 18 mars 1944, devant l’Assemblée consultative d’Alger, il décrit une Europe prolongée « par l’Afrique, en relations étroites avec l’Orient et, notamment, les États arabes du Proche-Orient », dont « la Manche, le Rhin, la Méditerranée seraient comme les artères » – la France et l’empire qu’elle administre encore se trouvant au centre de cet ensemble. Puis, dans le monde de la guerre froide, de Gaulle, alors chef du Rassemblement du peuple français (RPF), qui croit imminente une invasion soviétique, la voit comme essentiellement occidentale. Et une fois acquis le refus par les Anglo-Saxons d’une partition souhaitée de l’espace germanophone en une pluralité d’États, de Gaulle affirme que cette Europe aura forcément pour base une entente franco-allemande, tout en excluant que si reparaissait (sous-entendu : du fait de la politique anglo-américaine) « un Reich avec sa puissance et ses ambitions, la France, quelle qu’elle soit, puisse faire alors partie sans arrière-pensée d’une Union...