Le long cauchemar de l' « Europe sociale »
L’Europe sociale est au cœur du projet européiste depuis ses origines. Enfin, soyons précis (et sérieux), elle est au cœur du discours européiste depuis ses origines ! Le couplet a été entonné dès la déclaration Schuman (1950). Est-il besoin de démontrer l’inanité de cet oxymore ? L’économiste souverainiste Philippe Murer propose néanmoins de s’y employer.
L’idée de convergence sociale et fiscale dans l’Union européenne est unanimement partagée par la classe politique européiste depuis des années. Dans son programme de 2004, le PS appelait l’Europe sociale de ses vœux et parlait « d’accélérer les convergences sociales ». Dans leur charte d’alliance de 2013, l’UDI et le Modem voulaient « l’Europe sociale par une convergence vers le haut ». La précision est importante, car jusqu’à présent, l’Europe sociale s’est surtout faite « vers le bas », c’est-à-dire par le moins-disant social. Le mythe de l’« Europe sociale » a donc du plomb dans l’aile et il n’aura échappé à personne que le « retour des populismes » s’explique comme une réponse aux promesses non tenues d’une UE qui a toujours choisi le capital contre le travail. « L’Europe sociale n’aura pas lieu », annonçaient François Denord et Antoine Schwartz dans un petit livre éponyme en 2009. Et ils avaient de solides arguments. Le ver du capitalisme néolibéral est dans le fruit progressiste depuis l’origine.
Les gros chèques de l’oncle Sam
À la sortie de la Seconde Guerre mondiale, l’Europe occidentale, libérée militairement par une coalition dirigée par les États-Unis, subit évidemment une influence américaine importante. La nécessaire aide américaine pour aider à la reconstruction de pays européens ruinés par la guerre, la peur inspirée par le bloc communiste à ses portes furent naturellement utilisées par les Américains pour imposer leur influence et leur vision de l’avenir, et quelle vision ! Pour le comprendre, il faut faire un détour par l’histoire. Dès 1948 est créée aux États-Unis l’ACUE, le Comité américain pour une Europe unie, dirigé par deux prestigieux anciens des services secrets américains : William J. Donovan, ancien directeur de l’OSS (l’ancêtre de la CIA) et inspirateur de la création de la CIA en 1947, et son protégé Alan Dulles, ex-chef du service Europe de l’OSS et directeur de la CIA...