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Le mirage canadien

Pour les thuriféraires de la start-up nation, la politique migratoire du Canada, hyperaccueillante et ultratolérante, est un modèle d'excellence, tant au plan moral qu'économique. Mais cette surenchère d'ouverture ne risque-t-elle pas de dissoudre les particularismes locaux, à commencer par l'identité québécoise ? L'essayiste montréalais Mathieu Bock-Côté montre le revers de la médaille.

/2021/02/23-canada

Le Canada a bonne réputation en matière d’immigration. En Europe, et même en France, on prête à ce pays une certaine maîtrise de ses flux migratoires. Mieux encore, il représenterait le pays de l’immigration choisie, et on veut même, en certains milieux, le prendre en exemple. On se le représente encore comme le pays des grands espaces vides ne demandant qu’à être peuplés par ceux qui veulent embrasser ce qu’ils présentent comme un Canadian Dream se substituant à l’American Dream. C’est désormais au Canada qu’on pourrait refaire sa vie en découvrant mille opportunités, comme veulent le faire croire chaque année certains hebdomadaires français qui se transforment en brochures publicitaires au service du ministère des Affaires mondiales du Canada.

LE PAYS DE L'IMMIGRATION CHOISIE ?

La rhétorique est connue : l’immigration serait la bienvenue au Canada, dans la mesure où elle contribuerait à la croissance économique du pays. Elle répondrait à la pénurie de main-d’œuvre, les travailleurs spécialisés étrangers venant combler les besoins locaux – une thèse nuancée par l'historien Jacques Houle, qui rappelle que la théorie de la pénurie de main-d’œuvre « sert à masquer les difficultés de recrutement systématique causées par des salaires trop bas, du temps partiel fréquent ou des horaires atypiques ». De même, les emplois spécialisés vacants justifiant l’ouverture des frontières sont loin d’être systématiquement comblés directement par les populations nouvelles, qui n’ont pas toujours le profil attendu. Les Canadiens verraient l’immigration de manière pragmatique et seraient même capables de l’intégrer à une société paisible et prospère : ils auraient trouvé le chemin conduisant au modèle de la diversité heureuse.

Officiellement, le Canada donne l’impression de maîtriser son immigration. Sur une base régulière, il fixe des objectifs migratoires qu’il cherche à remplir, tout en déterminant une série de critères pour distinguer ceux qui peuvent y entrer et ceux qui...

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