Le pacte des extrêmes : l’anti-gaullisme tous azimuts
Il fut un temps où l’extrême droite réellement existante ourdissait des complots pour faire tuer le général de Gaulle. Une certaine extrême gauche, pas à une contradiction près, s’est quant à elle cantonnée à le vilipender pour en faire un dictateur. Quant à l’extrême centre, autoritaire et populophobe, il s’est contenté de digérer la période pour mieux régner sur la France contemporaine.
Tout le monde a été, est ou sera gaulliste », affirmait André Malraux. Un ancien journaliste, passé depuis à la politique, avait un jour retourné la formule : « Tout le monde a été, est ou sera antigaulliste. » Le procédé pouvait être perçu comme provocateur et il était sans doute exagéré. Compte tenu de l’apport du gaullisme à la France depuis que Charles de Gaulle a publié son premier ouvrage, Malraux a évidemment bien plus raison qu’Éric Zemmour, puisque c’est de lui qu’il s’agit. Pour autant, faire du général une espèce de centriste mou, comme on peut parfois l’observer dans certains reportages ou documentaires, serait encore moins fidèle à la réalité. Charles de Gaulle a compté dès le début de son entrée dans l’histoire de France, des adversaires résolus. Le gaullisme structurant la vie politique la majeure partie des quatre-vingts dernières années, il est logique qu’en miroir, l’antigaullisme ait aussi constitué un fil conducteur du débat public pendant la même période, avant sa mort en novembre 1970, bien entendu, mais aussi longtemps après.
Henri de Gaulle, le père de Charles, se définissait comme « monarchiste de cœur, républicain de raison ». Derrière cette définition, on pourrait déjà voir apparaître le discours de Bayeux et la Ve République. C’est dans la République que le fondateur de nos institutions a introduit une certaine sacralité monarchiste, l’onction du peuple venant suppléer la cathédrale de Reims. Si l’on sait aujourd’hui que la pensée politique du jeune Charles de Gaulle a été grandement façonnée par les écrits de Henri Bergson, de Charles Péguy et des principaux théoriciens du socialisme utopique1, on ne saurait pour autant oublier l’influence qu’ont pu exercer sur lui les courants traditionalistes et contre-révolutionnaires. Son tropisme familial, catholique et monarchiste, dans une France encore meurtrie par la défaite de 1870 et l’affaire Dreyfus, lors de laquelle son...