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Le PS et la fin de l'industrie en France

C’est l’un des plus grands mystères de l’époque contemporaine. Comment, dans les années 80, la gauche institutionnelle a-t-elle pu opérer un revirement complet en matière d’économie ? Quelle est l’origine de ce si brusque changement de doctrine, qui mena le Parti socialiste à abandonner sa préférence pour l’industrie et la propriété publique au profit d’un discours en faveur de l’économie de services et de la propriété privée ?

/2022/12/25_PS


Quand François Mitterrand prit ses fonctions à l’Élysée en 1981, sa vision industrialiste et étatiste de l’économie ne faisait aucun doute. Elle s’était notamment incarnée dans le Programme commun de gouvernement (1) de 1974 et dans les 110 propositions (2) portées par le candidat socialiste lors de sa campagne présidentielle. Et pourtant, quarante ans plus tard, nul ne peut nier que la France a subi, à cette époque, une politique impitoyable de privatisations et de désindustrialisations, bien plus forte qu’en Italie, qu’en Espagne et, a fortiori, qu’en Allemagne (3).

Bien sûr, il y eut le « tournant de la rigueur » à partir de mars 1983, qui n’a jamais pris fin. Il y eut aussi la grande déréglementation des marchés financiers (4), entreprise par le ministre de l’Économie socialiste Pierre Bérégovoy de 1984 à 1986 et qui marque la conversion des élites de gauche à la financiarisation globale. Il y eut aussi, et peut-être faut-il dire « surtout », la signature de l’Acte unique européen en 1986, texte qui changea de manière profonde le traité de Rome de 1957 et fit pivoter la Communauté économique européenne (CEE) vers un autre modèle, dont l’aboutissement fut l’Union européenne (UE). Concrètement, cette politique européiste fut l’une des principales causes, avec l’euro, de la désindustrialisation de la France (5).

Un manque d’ambition

Le déclin de notre industrie et la fascination pour les privatisations sont concomitants de l’abandon du « plan à la française », qui avait justement porté l’impératif industriel jusqu’à la fin des années 1970. De 1981 à 1988, les hauts-commissaires au Plan se succédèrent dans une valse effrénée. Il y en eut trois en sept ans (Hubert Prévot, Henri Guillaume et Bertrand Fragonard), alors que seul Pierre Massé avait occupé le poste de 1959 à 1966 et que René Montjoie avait quant à lui dirigé le Plan comme...