Le totem est tabou : nouvelle occupation, nouvelle résistance, nouvelle collaboration
L'édito de Michel Onfray
La plupart du temps, les civilisations commencent par un meurtre car le sang doit couler pour féconder l’espace territorial sur lequel elles se constituent. Ainsi celui d’Abel par Caïn qui, selon la Torah, permet au second, après avoir tué son frère, de bâtir des villes, donc de rendre possible la civilisation juive ; de même celui de Rémus par Romulus, les jumeaux ayant été mêmement élevés par la louve, inaugure la fondation de Rome racontée par Tite-Live dans son Histoire romaine. Ajoutons à cela la crucifixion du Christ rapportée par les Évangiles qui autorise, via saint Paul et l’empereur Constantin, les fondations de la Rome chrétienne à partir de laquelle rayonne l’Empire césaro-papiste – preuve que le christianisme n’a pas inventé la laïcité, comme le prétend aujourd’hui la vulgate bigote, puisque c’est la résistance au christianisme d’État qui l’a inventée. N’oublions pas, plus récemment, la décapitation du roi Louis XVI en 1793, à quoi il faut ajouter la mort de son fils, le petit roi Louis XVII, torturé pendant deux années par les Jacobins, afin de fonder la République, un régime sous lequel nous vivons encore, ce sacrifice ayant été voulu par Robespierre et théorisé par Saint-Just dans ses Fragments d’institutions républicaines rédigés entre 1793 et 1794. Enfin, plus récemment, le bolchevisme a voulu créer une civilisation appelée à s’étendre sur la planète, en massacrant la famille du tsar Nicolas II dans la nuit du 16 et 17 juillet 1918, lui, sa femme et ses cinq enfants, un garçon de 12 ans, une jeune fille de 17, une autre de 19, une autre de 21, une autre de 22, à quoi il faut ajouter leurs serviteurs. Leurs corps ont été mutilés, brûlés, et leurs cendres répandues dans un marécage. La théorie exposée par Trotski dans Leur morale et la nôtre (1938) valide a posteriori la dimension… morale...