Premier livre publié par Pierre Bourdieu (1930-2002) dans sa maison d’édition Raisons d’agir, fondée en 1996, ce célèbre « petit livre rouge » est aussi le best-seller du sociologue, dont on a commémoré récemment le vingtième anniversaire de la disparition : 260 000 exemplaires vendus depuis sa parution. Il s’agit ici de la retranscription d’une conférence au Collège de France intitulée « Sur la télévision » (qu’on peut aussi retrouver facilement sur YouTube si l’on veut réécouter la voix de Bourdieu), conférence à laquelle le sociologue a ajouté en annexe un petit article, « L’emprise du journalisme », publié antérieurement dans sa revue Actes de la recherche en sciences sociales. Accessible à tous, ce texte nous montre l’utilité de la sociologie critique pour démontrer (et par-là même démonter) la construction du réel par la télévision en sondant ses zones d’ombre, ses non-dits et son inconscient social.

Dans la première partie intitulée « Le plateau et ses coulisses », Bourdieu montre comment la télévision, régie par tout un réseau de censures (politique, économique, mais aussi propre à la profession) cache en montrant : il s’agit d’explorer en quelque sorte le hors-champ de la caméra. « La télévision peut, paradoxalement, cacher en montrant, en montrant autre chose que ce qu’il faudrait montrer si on faisait ce qu’on est censé faire, c’est-à-dire informer ; ou encore en montrant ce qu’il faut montrer, mais de telle manière qu’on ne le montre pas ou qu’on le rend insignifiant, ou en le construisant de telle manière qu’il prend un sens qui ne correspond pas du tout à la réalité. […]. Les journalistes ont des “lunettes” particulières à partir desquelles ils voient certaines choses et pas d’autres ; et voient d’une certaine manière les choses qu’ils voient. Ils opèrent une sélection et une construction de ce qui est sélectionné. »

Ce principe de sélection, c’est la recherche du...