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Libertaires

Mai 68, révolution « libertaire », l’affaire est entendue. Mais que signifie vraiment ce rapport au monde et à la politique, et peut-il s’incarner concrètement sans se dissoudre ?

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Être anarchiste ou libertaire, c’est refuser l’autorité politique incarnée par l’État et prôner l’association volontaire entre individus libres ainsi que la création de fédérations de communes libres. L’horizon des anarchistes n’a cessé d’être l’autogouvernement des travailleurs et l’autogestion au sein de petites communautés autonomes rassemblant des individus libres et égaux. Ni maître ni contremaître, donc. Il s’agit avant tout d’instaurer une vie sociale sans autorité ni domination. Les exemples historiques ne manquent pas dans l’histoire récente : la Commune de Paris (1871), l’armée insurrectionnelle de Nestor Makhno (1917-1921), les conseils ouvriers dans la Russie de 1905 et de 1917-1918, l’Allemagne et l’Autriche-Hongrie de 1918-1919, l’Italie de 1919-1920, les expériences d’autogestion dans l’Espagne de 1936… Dans la plupart de ses variantes idéologiques, l’anarchisme présuppose une anthropologie optimiste (il ne faut pas contraindre les hommes) qu’on peut juger naïve et qui forme l’envers de sa vision pessimiste (il faut contraindre les hommes) du processus de civilisation.

On a souvent vu dans le moment « mai 68 » l’expérimentation éphémère d’une forme de « communisme utopique » (Alain Touraine). S’il est vrai que l’imaginaire communiste réunissait alors la plupart des courants dits contestataires mais qui se voulaient révolutionnaires, la dimension utopique de ce communisme d’atmosphère non orthodoxe, résolument antistalinien, tenait à son orientation libertaire, définie par le grand désir antiautoritaire fixé sur le « sans État ». S’affirmant contre l’autorité et le pouvoir (donc contre la police, la justice, etc.), les soixante-huitards voulaient, comme les surréalistes, « changer la vie » et « transformer le monde », en quoi ils ne faisaient pas preuve d’originalité. En 1967, dans son Traité de savoir-vivre à l’usage des jeunes générations, le situationniste Raoul Vaneigem (né en 1934) n’hésitait pas à prophétiser : « Du nouveau prolétariat sortiront les maîtres sans esclaves », avant d’affirmer, s’inspirant de Bakounine autant que de Marx, que « la violence insurrectionnelle des masses n’est qu’un...

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