Liberté de penser
Si l’homme est biologiquement un animal, qu’est-ce qui le rend si unique ? Animal doué de raison selon Aristote, roseau pensant selon Pascal, être dont la pensée le met au fondement de toute vérité selon Descartes, l’homme peut se définir par sa capacité de penser. Et, justement, la première de ses libertés est celle de penser. Cette dernière est au cœur de l’engagement politique, car c’est elle qui permet l’égalité : les individus sont d’autant plus libres qu’ils vivent dans un État dont ils suivent les lois, à condition que celles-ci émanent d’esprits eux-mêmes libres et autonomes dans leurs représentations, leurs jugements comme leur expression.
Une telle façon de concevoir le politique exclut d’emblée les systèmes qui se légitiment par l’intervention d’une puissance extérieure : elle n’a pas besoin de référence divine, censée faire passer l’arbitraire individuel pour une émanation du sacré. Démocratie et liberté de penser sont donc intimement liées, l’existence de l’une dépendant de la possibilité de l’autre. Néanmoins, la démocratie, basée sur la souveraineté du peuple, reste très théorique si l’on n’y adjoint pas la méthode permettant que cette volonté émerge : le débat public. Or comme l’explique Alain Cugno, philosophe et grand lecteur d’Hannah Arendt : « […] si le débat public caractérise la démocratie, ce n’est pas tant parce qu’il est un débat et qu’il est public que parce qu’il met en rapport des individus au statut très particulier : ils ont autorité sur eux-mêmes sans que nul ne puisse se substituer à eux. Des individus libres, dont nous voudrions montrer que s’ils participent réellement à des débats publics, c’est parce que veille déjà en eux quelque chose que rien ne peut réduire : leur pensée. »1.
LA VRAIE LIBERTÉ ET SES CARICATURES
Pour autant, être libre de s’exprimer ne signifie pas posséder un droit individuel à modeler le réel pour le faire correspondre...