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Marketing halal : de l'exception à la règle ?

Présentée comme l’organisation commerciale d’une pratique ancestrale, l’économie du halal est en réalité le fruit d’une démarche lancée il y a moins de cinquante ans par des industriels principalement occidentaux, en lien avec des instances islamiques ravies de l’emprise supplémentaire que cela leur confère sur les fidèles et au-delà. Problème, le phénomène est devenu si massif qu’il se répercute sur la population non musulmane, consommant, souvent sans le savoir, de plus en plus de produits censés être uniquement destinés à un marché « de niche ».

/2023/03/HALAL-17


Dans son dernier ouvrage (Jouer sa peau (1), paru en 2017), l’essayiste libano-américain Nassim Nicholas Taleb, que le grand public connaît pour son best-seller Le Cygne noir (2), fait une remarque qui est tout sauf anodine : aux États-Unis, la plupart des boissons industrielles, notamment les sodas, portent une certification K (pour « Kasher »), alors qu’il n’y a dans ce pays que 3 pour 1000 de la population qui observe le code alimentaire juif. Comment expliquer un tel écart ? Pour l’auteur, la raison est simple : puisque les juifs pratiquants doivent manger kasher et que le reste des citoyens américains peuvent manger kasher, l’exigence du petit nombre est devenue la norme commune. De la même manière que, dans une garden-party, l’hôte s’aligne sur les désirs des invités les plus intransigeants, qu’ils soient adeptes de nourriture kasher ou allergiques aux arachides. Un principe qui souffre toutefois certaines exceptions, nuance Taleb, notamment quand la minorité vit dans un ghetto ou que le coût marginal de la certification du produit modifie substantiellement le prix d’achat.

Si l’on prend un recul macroéconomique, cette grille de lecture s’applique a priori assez bien à l’industrie du halal. La multiplication des produits alimentaires vendus comme spécifiquement conformes aux prescriptions islamiques sur les marchés européens de consommation courante s’explique par une demande croissante de dizaines de millions de musulmans et par le très faible surcoût de leur certification. Si bien que le marché du halal dépasse la seule population musulmane, et ce sans que le consommateur en soit nécessairement averti. Une partie des carcasses du circuit halal débouchent dans les boucheries conventionnelles et les grandes surfaces, car dans certaines filières, et particulièrement la filière ovine, l’abattage en mode halal est devenu la règle. Servir le marché musulman sur le marché intérieur comme à l’exportation est ainsi devenu la priorité....