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Médias français : les risques de la concentration

La « consolidation du secteur des médias », telle qu’on la nomme dans les milieux financiers, continue de se poursuivre sous nos yeux, toujours plus inexorable. Jacques Sapir décrypte ce phénomène éminemment dangereux pour la démocratie.

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La concentration des médias est un sujet régulièrement évoqué. Elle soulève un problème de pluralisme dans l’accès à l’information et, de ce fait, un problème de démocratie. On constate que le classement de la France, en termes de liberté de la presse, n’est pas très bon. Elle ne figure qu’au 34e rang sur la liste publiée par l’association Reporters sans frontières en 2021, soit derrière la Suède (3e), le Danemark (4e), les Pays-Bas (6e), la Suisse (10e), la Belgique (11e) ou l’Allemagne (13e). La France se trouve à égalité avec le Royaume-Uni (33e) et devance de peu l’Italie (41e) et les États-Unis (44e), des pays connus pour leur extrême concentration de la presse.

Les récents développements, et en particulier l’extension du groupe Bolloré, mais pas seulement, ont amené des professionnels du secteur à s’émouvoir. Plus de 250 journalistes et professionnels des médias ont dénoncé, dans une tribune publiée mercredi 15 décembre 2021 dans Le Monde, « l'hyperconcentration des médias ». Par ailleurs, le Sénat a constitué une commission d’enquête sur la concentration des médias qui a commencé ses travaux en décembre 2021. La question est donc d’actualité. Mais ne l’a-t-elle pas toujours été ?

L’héritage de la Résistance

La structure de grands groupes de presse, entre les mains d’un nombre réduit de personnes, a toujours été perçue, en France, comme une menace pour la démocratie. Avant la Seconde Guerre mondiale, la prise de contrôle du Temps, considéré à l’époque comme le « quotidien de référence », par le Comité des forges (l’ancêtre du

MEDEF), mais aussi le lancement par le parfumeur François Coty de L’Ami du peuple pour y promouvoir des idées d’extrême droite, avaient largement posé le problème. D’une manière générale, la vénalité de la presse, sa soumission à des donneurs d’ordres plus ou moins cachés constituait un des aspects de la crise de...