Paysans
Par Jean-Paul Pelras.
L’agriculture est une profession tellement complexe qu’il faut pouvoir en parler sans que les coutures se voient. Hélas, depuis quelque temps, nombreux sont ceux qui ne connaissent de ce métier et de ses outils ni les usages, ni le prix. Ce qui ne les empêche pas d’imposer un avis dès qu’il s’agit de contraindre le monde paysan, de gérer depuis Lutèce notre ruralité.
Emmanuel Macron appartient à cette catégorie déconnectée avec une certaine réalité champêtre plus âpre qu’elle n’y paraît quand elle est vécue loin des prismes idéalisés. Le bon sens paysan n’étant pas toujours compatible avec la rhétorique politicienne, le Président en exercice a souvent voulu, pour citer quelques expressions appropriées, mettre la charrue avant les bœufs sans jamais savoir (ou vouloir) séparer le bon grain de l’ivraie. Il s’est, à ce titre, pour ainsi dire planté au moins à deux reprises. Avec les États généraux de l’alimentation et avec le grand débat sur l’agriculture rebaptisé ImPACtons.
Concernant la loi EGalim, fin 2020, trente syndicats et associations ont constaté le fiasco d’un texte où « le revenu paysan n’était toujours pas revalorisé ». Il ne fallait pourtant pas être grand clerc pour prédire le résultat d’une consultation où, dès le début des travaux, certains ateliers étaient présidés par le directeur des produits frais Danone et, entre autres « commerçants », par le P.-D.G. de Système U. Car en définitive, que faut-il voir derrière cette « expérimentation » de deux ans qui prônait, par exemple, le relèvement de 10 % du seuil de revente à perte si ce n’est une manière de conforter la marge des distributeurs ? Lesquels reconnaissaient à l’époque « la main sur le cœur » que la guerre des prix n’avait que trop duré.
Des prix qui devaient être calculés en fonction des coûts de production avec cette énième interrogation : qui allait tenir la calculette ?...