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Peut-on encore comprendre la France coloniale ?

Les passions se ravivent aujourd’hui autour de la mémoire coloniale. À l’heure du « décolonialisme », la France est sommée de se repentir de tous ses méfaits passés, jugés en fonction de la situation actuelle plutôt que dans le contexte de l’époque. La diabolisation de l’empire français succède ainsi à l’angélisme des anciens colonisateurs, qui étaient parfois sincèrement persuadés d’apporter la seule et unique civilisation à des peuples barbares. L’histoire, cependant, n’est là ni pour condamner ni pour tresser des lauriers ; elle a seulement pour tâche d’étudier, afin d’informer le jugement. Sans doute avons-nous besoin d’une cure d’objectivité et de nuance.

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En cette fin d’automne 2020, il paraîtrait incongru, pour ne pas dire provocateur, de faire de l’empire colonial un motif d’« aimer la France ». Cependant, il y a moins d’un siècle, en 1930, les autorités gouvernementales célébraient le centenaire de la conquête de l’Algérie puis, en 1931, l’empire colonial et la colonisation européenne à travers une exposition retentissante au bois de Vincennes. De « l’épopée coloniale » à la « plus grande France », les formules rivalisaient pour défendre ce que le radical Albert Sarraut, ancien ministre des Colonies, qualifiait de « grandeur » et de « servitude ».

Alors que se profile le soixantième anniversaire des indépendances africaines et de la fin de la guerre d’Algérie (2022), les regards sont bien différents pour ne pas dire opposés. En 2006, le très regretté historien Daniel Lefeuvre en appelait dans un livre magistral à « en finir avec la repentance coloniale », sans pour autant verser dans une quelconque apologie de la colonisation. Il présentait ainsi ceux qu’il désignait sous le nom de « repentants » : « Leur Histoire n’est pas une histoire de la colonisation, mais un simple florilège de discours tenus sur la colonisation. […]. Un collage qui méprise un principe tout simple, mais essentiel : la chronologie. Pour eux, le temps colonial est immuable, caractérisé par une continuité sans faille des principes et des pratiques. […] On pourrait, et certains ne s’en privent d’ailleurs pas, écrire avec ce même procédé un Livre blanc de la colonisation. Rien ne serait plus facile, en effet, que de faire un volume de citations à la gloire de l’œuvre coloniale de la France, y compris tirées d’auteurs “indigènes”. »¹

Si ces observations n’ont rien perdu de leur acuité, elles prennent aussi tout leur sens rapportées à un article de Daniel Rivet, spécialiste du Maroc colonial, publié dans Vingtième Siècle. Revue d’histoire en mars 1992 et intitulé « Le fait...